L’auteur, déporté à Auschwitz en mai 42, nous livre l’intégralité de ses souvenirs avec une volonté d’honnêteté évidente et scrupuleuse. Un document plus que précieux parce qu’il est aussi bien davantage que la relation d’un parcours individuel bien que Filip Müller ne raconte que ce dont il a été lui-même témoin. En outre, il semble qu'il se soit imposé l'écriture de ce livre (durant plusieurs années, notamment parce qu'il l'a d'abord rédigé en tchèque, puis l'a traduit en allemand) sous une contrainte morale qu'il s'est imposée : dire ce que personne d'autre ne disait à sa place (et les rumeurs sur la réalité supposée des prisonniers des Sonderkommandos allaient alors bon train) ni ne pouvait dire à sa place faute de survivants (il a confié, comme une évidence, "c'était mon devoir"). Ce courage exemplaire lui a coûté un ébranlement moral qui, venant s'ajouter à celui de son vécu en tant que membre d'un Sonderkommando, fut tel qu'il semble ne jamais s'en être remis. Il me parait nécessaire également de préciser que certaines traductions, et la française en particulier, sont largement mises en question parce que donnant parfois des indications fausses d'être trop approximatives.

Pygmalion, ISBN 2-85704078-4, éd. 1979 en Allemagne, 1980 en France.