Il me paraît indispensable de définir certains termes parce que :

  1. L’utilisation d’un mot plutôt qu’un autre, ce n’est jamais anodin et il m’a semblé nécessaire d’expliquer mes choix dans certains cas (et éventuellement d’ouvrir la réflexion sur ces sujets !) Voir par exemple le mot "extermination".
  2. Il en est de même pour mon choix de conserver certains termes ou expressions en allemand. Mais comme le souligne J.François Bossy dans son livre, il faut être vigilant pour éviter l’écueil qui serait de "régler notre analyse et nos concepts sur les vocables techniques des tortionnaires et entretenir une sorte de complicité théorique". Néanmoins, l'inverse est vrai aussi : je me refuse à traduire certains mots qui en seraient ainsi banalisés. Je fais donc le choix de refuser de chercher une traduction à certains termes.
  3. Enfin, j’ai pensé qu’il fallait préciser l’utilisation spécifique (avec un sens particulier, le plus souvent très précis) de certains termes dans ce qu’on a appelé "le langage des camps". En effet, certains mots ont subi un glissement de sens, valable dans l’ensemble des camps. On pourra voir à titre d’exemple le verbe "organiser".


Chaque fois qu’un terme présent au fil du texte m’a semblé devoir figurer dans le glossaire, il est prévu qu'il soit suivi d’un astérisque permettant d’y accéder... ce n'est pas encore mis en place.

Appell : activité théoriquement destinée au comptage des prisonniers sur la "place d’appel" (Appellplatz). Il était sensé avoir lieu matin et soir (avant le départ dans les Kommandos de travail et à leur retour). Mais l’appel a rapidement été utilisé également comme une modalité de souffrance supplémentaire. Très fréquemment, en guise de punition, les prisonniers pouvaient être contraints de rester debout, immobiles, "à l’appel" durant plusieurs heures, parfois des demi-journées ou des journées entières, en particulier lorsqu'une évasion avait eu lieu. Outre le fait de rester debout et immobile lorsqu'on est en état d'épuisement et torturé par la faim, il faut penser au climat spécifique de la Pologne, climat dit continental (la pluie ou la neige, le froid glacial de l’hiver, ou à l'inverse les températures étouffantes et le soleil écrasant de l'été). Bien sûr, il y avait des morts durant ces appels interminables, étant donné l'état de faiblesse des prisonniers et l’insuffisance évidente de leurs "tenues rayées" ou autres vêtements qui leur avaient été donnés.

Aufseherin : surveillante SS, gardienne dans le FKL, le camp des femmes.

Auskleidung : déshabillage. La salle à l'intérieur du bâtiment des crématoires où les victimes devaient se dévêtir avant d'entrer dans la chambre à gaz était appelée "Auskleidungsraum", de même pour les baraques destinées au même usage près des Bunkers 1 et 2..

Aussenkommando : groupe de prisonniers (Kommando) envoyé pour travailler à l'extérieur (Außen) du camp. Il existait de nombreux types de ces "Kommandos extérieurs".

Baraque : désigne le bâtiment aux murs de planches (conçu comme une écurie : "Pferdestallbaracke") destiné aux prisonniers (Birkenau). Des baraques ont également été montées auprès des Bunkers 1 et 2 [voir ces termes ci-dessous] comme salles de déshabillage pour les futures victimes de ces chambres à gaz. Je distingue la "Baracke" (de bois) du "Block" (de briques).

Bauhof : lieu de dépôt des matériaux de construction.

Begrabungskommando : littéralement "commando d'inhumation". Ce Kommando pouvait être un "Teilkommando" c'est à dire un sous-commando du Sonderkommando, aussi bien qu'un groupe n'ayant ni lien ni contact avec les membres des Sonderkommandos comme ce fut le cas pour André Abraham Balbin. En effet, il fut affecté plusieurs semaines à ce commando en guise de punition. Il s'agissait de creuser des fosses toute la journée (ils étaient alors 80 prisonniers) puis, à la nuit tombante, de décharger les charrettes des corps de prisonniers morts dans le camp durant la journée. Il fallait les déposer alignés dans les fosses puis mettre de la chaux et, quand la fosse était pleine, tout recouvrir de terre. Les prisonniers des Sonderkommandos devaient amener quant à eux dans ces fosses les corps des victimes des chambres à gaz. A la mise en place du processus d'extermination, les Sonderkommandos avaient pour ordre d'enterrer les corps, mais rapidement les SS se sont rendu compte que, outre la pollution de l'eau du camp que cela pouvait engendrer (et engendra semble-t-il), ce procédé laissait des preuves de l'extermination. Ainsi, en septembre 42, ordre sera donné de ne plus laisser aucune trace de l'extermination : tous les corps devront alors être brûlés, réduits en cendres par les membres du Sonderkommando (ce sera également valable pour les autres camps d'extermination et même pour les tueries des Einsatzgruppen).

Block : désigne le bâtiment de briques destiné aux prisonniers (Auschwitz 1 / FKL de Birkenau).

Blockälteste(r) : prisonnier(e) chef de Block (traduction littérale : le plus vieux du Block). Ils sont aussi appelé(e)s "Blokowa", transposition polonaise du terme pour les femmes. Les Blockältester étaient proposés par le Lagerältester. Ils étaient responsables auprès d’un sous-officier SS (Rottenführer ou Unterscharführer) de tout ce qui se passait dans le Block. Avec les Kapos et les Vorarbeiter, ils formaient le groupe des "prisonniers de fonction" (Funktionshäftlinge) qui ne travaillaient pas par eux-mêmes. Le plus souvent, ils étaient choisis parmi les prisonniers de droit commun. Ils n’avaient pas à justifier de la mort des prisonniers sous leur responsabilité, ils ne devaient qu’en donner le nombre. Ils furent souvent signalés pour leur brutalité. À leur sujet, Hans Aumeier, Lagerführer, a déclaré : "À Auschwitz on recherchait pour les postes de Blockältester ceux qui manifestaient des penchants sadiques". Dans les camps plus encore qu’ailleurs, tout pouvoir était susceptible de dégénérer en abus de pouvoir.

Blockführer : SS responsable d'un Block. La salle de garde des Blockführer était le Blockführerstube.

Blocksperre : voir "Sperre" ci-dessous.

Block 11 : un Block spécifique à Auschwitz I car c’était le Block des "arrêts". Entendre notamment : celui où avaient lieu les séances de torture. Le sous-sol de ce Block (souvent appelé "cave du Block 11" ou "Bunker" ) était divisé en cellules qui servaient de prison. Dans un premier temps, certaines ont hébergé les prisonniers de la Strafkompanie (voir ce terme) et les premiers membres des Sonderkommandos du K I (appelés alors Krematoriumskommando), cela pour les isoler des autres prisonniers afin qu'ils ne puissent pas communiquer.
Les prisonniers mis aux arrêts pouvaient n’être pas nourris et mourir de faim. Parmi ces cellules, les "Stehbunker" ou "cellules debout" [voir ce mot ci-dessous dans le glossaire]. Ce Block, parfois appelé "Block de la mort" puisque que celui qui y était amené avait peu d'espoir d’en sortir vivant, était régulièrement l’objet d’un "vidage de Bunker" (il en sera souvent question dans le procès d’Auschwitz à Francfort) c'est-à-dire que tous les prisonniers en étaient extraits et amenés au "mur noir" qui se trouve entre les Blocks 10 et 11, pour être exécutés. C'est également dans ce Block qu'avaient lieu les séances du "tribunal".

Bunker : terme qui signifie littéralement "abri bétonné". Il se réfère, selon les cas, à divers bâtiments. Il évoque, au début de l'existence du camp d'Auschwitz, les cellules du sous-sol du Block 11 servant de prison (voir ci-dessus). A Birkenau, ont été appelés Bunker 1 (ou maison rouge, "czerwony domek") et Bunker 2 (maison blanche, "bialy domek") deux chaumières polonaises qui ont été transformées en chambres à gaz au printemps 1942 avant la construction des crématoires. Lors de l'extermination des Juifs de Hongrie en 1944, les arrivées seront tellement massives que les crématoires ne suffiront pas et Höß, le commandant du camp, décidera de remettre en service le Bunker 2 qui sera alors appelé Bunker 5. Il ne reste aujourd'hui aucune trace du Bunker 1. Du Bunker 2 sont visibles les fondations du bâtiment et les emplacements des baraques de déshabillage (qui étaient à proximité) qui ont été marqués au sol. Pour des informations plus complètes, voir les pages consacrées à ces lieux en cliquant sur les liens indiqués par les termes soulignés.

Camp souche : Stammlager en allemand, employé pour Auschwitz I, camp originaire par rapport à Auschwitz II (Birkenau) et Auschwitz III (Monovitz). [Article présentant ces 3 parties du camp d'Auschwitz en cliquant ici]

Cellules debout (Stehzelle) : des cellules du sous-sol du Block 11 [voir ce terme ci-dessus dans le glossaire] à Auschwitz I. Ce sont trois très petits espaces (90 cm x 90 cm chacun, sous-ventilé par une aération de quelques centimètres carrés) dans lesquels il fallait entrer à quatre pattes. (Photo visible sur la page "Auschwitz 1" de ce site). Y étaient éventuellement entassés plusieurs prisonniers qui pouvaient tenir debout (mais pas s’asseoir et encore moins s’allonger) et qui allaient mourir de faim et d’asphyxie sauf dans le cas où ces cellules étaient utilisées pour la nuit comme punition. (Il en existait à Dachau, à Dora, ...)

Chauffeur : ce terme, lorsqu’il sera mis entre guillemets, ne désignera pas une personne conduisant un véhicule, mais traduira littéralement "Heizer" c'est-à-dire un membre d’un Sonderkommando affecté aux fours. Dans le même registre, voir notamment "coiffeur" et "dentiste".

Coiffeur : ce terme, lorsqu'il sera entre guillemets, désignera un membre de Sonderkommando affecté à la coupe des cheveux des victimes (il semble qu'à Auschwitz, elle fut tout d'abord effectuée sur les personnes avant leur passage dans la chambre à gaz, mais majoritairement ensuite sur les corps après le gazage). Les cheveux étaient utilisés pour divers usages industriels. A la libération d'Auschwitz, les Soviétiques en découvrirent plusieurs tonnes que les SS n'avaient pas eu le temps d'expédier, soigneusement emballés...

Dentiste : ce terme, comme celui de "chauffeur", sera mis entre guillemets lorsqu'il aura le sens particulier attribué au sein du Sonderkommando. Il désignera alors un membre de Sonderkommando affecté, dans un crématoire, à l'arrachage des dents en or sur les corps des victimes gazées. Ces dents étaient fondues sur place et les lingots ainsi obtenus transmis à la Reichsbank.

Einsatzgruppen : bataillons mobiles armés, principalement constitués d'unités de la Police de Sécurité, qui furent utilisés afin d'éliminer tous les éléments considérés comme ennemis dans les territoires conquis de l’Europe de l’Est, Juifs (ils raflaient les familles juives et les abattaient sommairement) et "Bolcheviks". Le lieu emblématique de ces massacres est Babi Yar (33 000 Juifs de Kiev). Quantité de fosses communes furent creusées que les Nazis tentèrent de faire disparaître vers la fin de la guerre. Lorsqu'on parle de "Sonderkommando" à propos des Einsatzgruppen, il s'agit alors de Kommandos spéciaux de SS 

Einschieber : littéralement "glisseur". Membre d'un Sonderkommando, voir "Schlepper".

Evacuation : la marche d’évacuation désigne le départ des prisonniers "valides" sous la garde de SS (le 18 janvier 45 pour les camps d’Auschwitz). Des dizaines de milliers de prisonniers, déjà à bout de forces pour une grande majorité d’entre eux, furent ainsi jetés sur les routes dans d’interminables marches vers d’autres camps (et vers l'Ouest) devant l’avancée des troupes Soviétiques. Les SS qui les encadraient avaient pour ordre d’abattre ceux, nombreux, qui ne parvenaient pas à suivre. Pour cette raison, ces marches sont appelées "marches de la mort". 

Extermination : le terme, souvent employé dans la formule "extermination des Juifs d'Europe" est désormais parfois remis en cause, voire abandonné. Il est considéré comme faisant partie du vocable nazi et excluant tout respect vis-à-vis des victimes. En ce qui me concerne, j'utilise ce mot car il ne me semble ni offensant ni méprisant. En revanche, il me paraît exprimer mieux qu'aucun autre la volonté génocidaire d'assassiner "jusqu'au dernier" (jusqu'au plus âgé des vieillards, jusqu'au plus jeune des bébés) ainsi que la dimension de la traque (jusqu'au plus petit des villages, etc). Dans le même ordre d'idée, on remarquera l'évolution qui consiste désormais à substituer à l'expression "camp d'extermination" celle de "centre de mise à mort".

Faire du sport : (Sportmachen). Il ne s’agit pas là d’activité positive, mais au contraire d’activité punitive, pouvant aller jusqu’à la mort par épuisement des prisonniers si le SS imposant l’activité en décidait ainsi.

Four : le mot "four", à Auschwitz, n'est pas à comprendre dans son sens commun en général, mais dans celui des entrepreneurs de pompes funèbres. C'est à dire qu'un "four" installé par l'entreprise Topf & Söhne à Auschwitz et Birkenau est à entendre en termes de "construction unique", donc n'ayant qu'une même cheminée, alors qu'il pouvait être tri-moufle par exemple, c'est à dire être équivalent à trois fours au sens commun du terme, avec trois ouvertures pour la crémation sumultanée de corps, mais sans avoir à construire trois cheminées. [Si besoin, voir en complément le terme "moufle" ci-dessous].

Grubenbaukommando : sous-commando de Sonderkommando dont les prisonniers devaient creuser des fosses (autour des crématoires ou des Bunkers de Birkenau) d'inhumation dans un premier temps mais essentiellement de crémation ensuite, parce que les corps des victimes étaient trop nombreux pour la capacité des fours des quatre crématoires de Birkenau.

HKB : Häftlingskrankenbau, ce qui signifie "hôpital des prisonniers" (appelé également "Revier" dans les premiers temps du camp). J’ai décidé de garder ce nom sous forme d’initiales, ne pouvant me résoudre à le traduire étant donné tout ce qui était susceptible de se passer dans ces lieux qui ne ressemblent en rien à l’idée que l’on peut se faire d’un hôpital. Néanmoins, il faut préciser que, comme l’écrit Hermann Langbein qui y a travaillé durant les années où il a été prisonnier à Auschwitz : "c’est grâce à ceux qui acceptèrent d’y assumer des fonctions que des hôpitaux, créés par les autorités pour être des antichambres de la mort, furent souvent des asiles de salut".

Kanada : groupe de baraques à Auschwitz I et à Birkenau où tous les biens volés aux déportés à leur arrivée dans le camp étaient triés par catégories par des prisonniers, pour être ensuite envoyés en Allemagne. Cette appellation vient d'une expression polonaise courante à l'époque, désignant un lieu où tout serait disponible à profusion (proche de l'expression française "c'est le Pérou"). Certaines des baraques du Kanada de Birkenau étaient voisines du K IV. Cette appellation de "Kanada" fut reprise aussi par les SS. Ces lieux de tri étaient au départ appelés "Effektenkammer".

Kapo : l’un des prisonniers d’un Kommando qui en est le chef. Bien entendu, son attitude était alors dépendante de sa personnalité. Evidemment, les Kapos étaient souvent recrutés par les SS sur des critères de violence donc rares sont ceux qui se comportaient bien... ou qui parvenaient à jouer un subtil double jeu, selon que le regard des SS était sur eux ou non. En outre, les Kapos bénéficiaient de nombreux avantages, ce qui implique que la place était enviable.

Kiesgrube : sablière, grévière. Un lieu situé contre l'enceinte d'Auschwitz I où travaillaient des prisonniers. Ce fut aussi un lieu où nombre d'entre eux furent assassinés par balles.

Kleidersortierung : il s'agit d'un "Teilkommando", un sous-commando du Sonderkommando, désignant un groupe chargé de sortir du bâtiment du crématoire les vêtements et autres biens éventuels des victimes venant d'être gazées, afin qu'ils soient emmenés au "Kanada" (voir ce mot) par des camions. Action à mener dans la plus grande diligence très souvent, afin que plus aucune trace du groupe de victimes précédent ne reste à l'arrivée du groupe suivant.

Knochenstampfer : l'une des affectations des membres des Sonderkommandos. Cela signifie littéralement "écraseur d'os". Le SS Otto Moll avait fait construire, près du K V, une surface de béton sur laquelle les prisonniers devaient piler les os qui n'avaient pas été réduits en cendres lors de la crémation des corps. Avaient également été construits spécialement des tamis. Les cendres réduites en poudre étaient versées dans des fosses autour des crématoires ou emportées en camions vers les rivières toutes proches, la Vistule et la Sola. Les prisonniers du Sonderkommando témoignent du fait qu'il leur fallait les jeter aussi loin que possible du bord et nettoyer ensuite les traces sur la rive si des cendres s'étaient répandues.

Koya : appellation fréquente par les prisonnières de Birkenau des compartiments dans lesquels elles devaient dormir dans leurs Blocks.

Lager : terme allemand signifiant "camp". On avait ainsi par exemple le "Männerlager" et le "Frauenlager" = camp des hommes et camp des femmes. Beaucoup de survivants ont toujours utilisé ce terme ("quand j'étais au Lager..."), sans doute aussi parce que cela permettait d'indiquer clairement une autre réalité que celle du terme vague de "camp" en français. En allemand en revanche, le terme est resté "ordinaire" (camp de vacances, ...)

Lagerältester : la traduction littérale de ce terme est "le plus vieux du camp". Il s’agit d’un prisonnier qui est le chef des Kapos, responsable du fonctionnement du camp devant les SS. Hermann Langbein écrit : "de deux Lagerältester seulement, Orli Reichert-Wald au camp des femmes et Wladyslaw Fejkiel au camp central, je n’ai jamais entendu dire ou lu rien de négatif".

Lagerkommandant : SS commandant du camp. Dispose de l’Etat-Major, des SS "têtes de mort" (Totenkopf) et de services techniques et généraux.

Lagerführer : SS chef de camp sous les ordres du Commandant du camp.

Leichenträgerkommando : littéralement "commando des porteurs de cadavres". Leur travail consistait à prendre, dans le camp, l'ensemble des corps des prisonniers morts dans la journée et les transporter (dans une grande charrette de bois tirée par les membres du Kommando en ce qui concerne Birkenau) pour les amener au crématoire du camp afin qu'ils y soient incinérés par les prisonniers du Sonderkommando. Les prisonniers affectés au Leichenträgerkommando sont parfois -à tort- assimilés aux membres du Sonderkommando.

Loren : les "Loren" étaient de petites plateformes montées sur des roues dont l'écartement correspondait à celui des rails d'une petite voie de "chemin de fer de campagne" comme l'a appelée R. Höß. Sur ces plateformes, les membres des Sonderkommandos devaient empiler les cadavres (10 à 15) sortis des chambres à gaz du Bunker 1 ou 2 afin de les amener auprès des fosses de crémation situées un peu plus loin, au bout de cette sorte de voie ferrée.

Majuscules : en règle générale, les termes conservés de l’allemand (ex. Kapo, Block) sont écrits avec une majuscule dans ce site. Il faut savoir que la majuscule n’a pas la même valeur qu’en français : en effet, dans la langue allemande, tous les noms communs doivent la porter systématiquement.

Marches de la mort : c'est le nom qui a été donné aux colonnes de prisonniers jetés sur les routes (vers l'ouest, fuyant devant l'approche de l'Armée Rouge) lors de l'évacuation du camp. Encadrés par des SS, tout prisonnier n'ayant plus la force de marcher (ou tentant de s'évader) était abattu sur le champ. Ces marches ont donc fait des quantités de victimes supplémentaires. En outre, les cohortes de prisonniers ont souvent fini par rejoindre des voies ferrées où les attendaient des trains... de marchandises, découverts donc, où ils étaient livrés aux conditions glaciales de l'hiver polonais venant s'ajouter à la faim, la soif, l'épuisement et la maladie.

Moufle : est appelé "moufle" ou "creuset" l'ouverture d'un four permettant l'introduction de corps. A Auschwitz et Birkenau, les fours construits par la société Topf & Söhne ont tous plusieurs moufles. Un four bi-moufle par exemple, aura la capacité de crémation de deux fours simples puisqu'il aura deux ouvertures, mais en n'utilisant qu'une seule cheminée et moins de coke pour son fonctionnement. [Voir si besoin le terme "four" ci-dessus, en complément d'information]

Muselmänner : étaient appelés "Musulmans" des prisonniers épuisés, dans un état de dénutrition et d'hébétude extrêmes, à bout de forces et de vie. Ya'akov Silberberg, survivant d'un Sonderkommando, les décrit ainsi : "ils ne peuvent plus marcher, ils ne peuvent plus travailler et ne peuvent plus vivre mais n'arrivent pas à mourir non plus".   

Mützen ab : ordre signifiant "enlevez les casquettes". Pendant une durée indéterminée, des centaines de fois s’il le souhaite, un SS fait enlever et remettre les casquettes d’un groupe de prisonniers, exigeant de n’entendre qu’un son de claquement de toutes les mains contre les jambes lorsqu’ils enlèvent les dites casquettes. C'est également le titre d'un ouvrage écrit par un survivant (voir la médiagraphie du site). L'ordre inverse, signifiant "remettez les casquettes" est : Mützen auf.     

Organiser : verbe du langage des camps qui qualifie le fait de subtiliser des denrées pour les échanger contre d’autres ou contre des services. Certains étaient évidemment mieux placés que d’autres pour "organiser" la nourriture ou les objets des personnes qui avaient été menées au crématoire (au "Kanada" notamment). Mais globalement, le prisonnier qui organisait tentait surtout d’organiser sa survie, tandis que le SS qui organisait… On pouvait ainsi voir de l’or échangé contre du pain (voire même une dent en or dans sa propre bouche alors qu’on est un vieil homme édenté, comme le raconte R. Antelme). À ce propos, le SS Hans Münch écrivit : "Il était absolument impossible d’empêcher cette corruption car elle n’était pas fondée sur des besoins de luxe, elle était régie par le principe : « être ou ne pas être », valable pour tous les intéressés".

Postenkette : chaîne de gardes SS (les "Posten") autour du camp. La "kleine Postenkette" était strictement aux limites du camp, la "grosse Postenkette" était aux limites externes et mise en place durant les heures de travail des détenus.

Prisonnier / détenu : je choisis d’utiliser le terme de "prisonnier" qui me paraît convenir un peu mieux à la réalité, celui de "détenu" évoquant davantage la situation d’une personne étant incarcérée pour avoir commis un acte répréhensible. Cela dit, il me semble qu’aucun terme existant n’est susceptible de s’appliquer à la situation vécue dans cet arbitraire absolu où le statut d’être humain n’était même plus reconnu. Peut-être faudrait-il utiliser "Häftling".

Prominent : mot allemand évoquant un "personnage éminent", en l'occurrence un prisonnier de fonction qui a des privilèges, par rapport au travail, à la nourriture, aux diverses conditions de la détention dans le camp (et a donc tendance à être prêt à tout pour les conserver).

Rampe : terme allemand désignant le quai sur lequel descendaient les prisonniers au sortir des wagons à Auschwitz, sous les cris éventuellement les coups et les aboiements des chiens des gardes SS. Ce terme ne désigne pas un quai destiné aux voyageurs mais bien une rampe de débarquement de marchandises. Sur la Rampe était effectuée une sélection (voir ce mot). On parle de "Juden Rampe" ou de "Alte Rampe" ("Rampe juive" ou "vieille Rampe") pour le lieu d'arrivée des convois de déportés, situé entre Auschwitz I et Birkenau. Ensuite, en 1944, une voie ferrée sera construite menant dans le camp de Birkenau, dont l'extrémité voisine les K II et K III, ce sera la "Neue Rampe", la "nouvelle Rampe" où arriveront directement les trains de déportés.

Rapportführer : préposé au rapport. Sous-officier SS responsable de la tenue à jour des effectifs après les appels du matin et du soir. Il dépendait directement du commandant du camp et était le chef de tous les Blockführers.

Rayé : terme utilisé par les prisonniers pour évoquer le vêtement de toile à rayures bleues parfois qualifiés de "pyjamas".

Revier : "hôpital" du camp (voir HKB).

RSHA : ReichsSicherheitsHauptAmt : Office central de la Sécurité du Reich. Fondé par Reinhard Heydrich en 1939 auquel succédera Ernst Kaltenbrunner en 1943, il est constitué d'un réseau policier considérable et décide du sort des prisonniers. Il est sous le contrôle direct d'Himmler.

Schlepper : l'une des affectations des membres des Sonderkommandos. Littéralement, ce mot signifie "traîneur". Il s'agissait des prisonniers devant déplacer les corps des chambres à gaz à la salle des fours. Selon les cas, cela se faisait en prenant les corps par les poignets ou en utilisant des lanières (voir le dessin de David Olère, salle des fours du K III) ou des cannes.

Sélection : on appelle "Selektion" le fait de désigner des prisonniers à une destination particulière, le plus souvent à la mort immédiate. La sélection sur la Rampe (à la descente des trains) était assurée par des SS du service sanitaire, au départ les médecins, puis, les transports [voir ce mot] étant de plus en plus nombreux, par les autres personnels du même service (dentistes, etc) : les SDG. Cette première sélection se faisait à la fois sur des critères d’apparence physique et en fonction des besoins en main d'oeuvre du camp. La vie ou la mort immédiate s’y jouaient en quelques instants. Toutes les personnes paraissant suffisamment jeunes et valides étaient regroupées en une colonne d’un côté de la Rampe [voir ce mot], les autres (personnes âgées ou malades, mères avec leurs enfants) étaient regroupées de l’autre côté puis dirigées vers les crématoires.
D’autres types de sélections avaient lieu dans le camp (dans les Blocks d’Auschwitz I ou les baraques de Birkenau, au HKB, au Sonderkommando). Selon le nombre de personnes concernées, les meurtres étaient perpétrés dans les chambres à gaz (lorsqu’il s’agissait d’un grand nombre de personnes), par balles (exécutions dans les crématoires), par piqûre de Phénol dans le cœur, ou par pendaison (particulièrement quand il s’agissait pour les SS de faire "un exemple").
Néanmoins, on appelle aussi "sélection" le fait de choisir un groupe de prisonniers pour une activité particulière. Ainsi, après la première sélection sur la Rampe, parmi les prisonniers ayant échappé à la mort, auront lieu d'autres sélections visant à leur attribuer un Kommando de travail. Par exemple (relaté par un survivant) un SS viendra demander : "qui se porte volontaire pour aller travailler dans une usine Bata à quelque distance du camp ?", il vérifiera que la constitution des hommes qui se propose semble robuste, et ces hommes seront ainsi dirigés vers... les crématoires où ils seront membres d'un Sonderkommando.

Sperre : ce pouvait être un "Blocksperre" ou un "Lagersperre", c'est à dire une interdiction absolue de quitter le lieu où l'on se trouvait, Block ou camp (ce mot en allemand évoque une fermeture, un verrouillage).

Strafkompanie : compagnie disciplinaire. (Attention : les initiales SK désignent, pour les survivants, la Strafkompanie et non le Sonderkommando !) Etre affecté à ce Kommando était une punition (pour des faits qui pouvaient être tout à fait bénins). La durée de vie d'un prisonnier affecté à ce Kommando n'était plus que de quelques jours dans la grande majorité des cas, ce qui donne des indications claires sur les conditions de travail, sur la nourriture et sur les coups que recevaient les prisonniers qui y étaient envoyés. Ils étaient séparés des autres prisonniers. Une Strafkompanie existait pour les hommes et une autre a été créée plus tard pour les femmes. (Un article leur est réservé sur la page Auschwitz I). Le Block des prisonniers de la Strafkompanie comme celui des prisonniers du Sonderkommando à Birkenau ont été des Blocks fermés et voisins à plusieurs époques.

Survivant / rescapé : je choisis d’utiliser le terme de "survivant" pour ce qu’on y entend à la fois de l’exception qu’il y a à sortir vivant de ces camps qui étaient conçus pour "n’en sortir que par la cheminée", mais aussi de la difficulté à réussir à vivre à nouveau après cette réalité.  

SK : il arrive que cette abréviation soit utilisée pour désigner le "Sonder Kommando", mais la chose est maladroite et me paraît à éviter. Pour tous les survivants, il s'agit de l'appellation qui désignait la Strafkompanie [voir ci-dessus]. Ne pas utiliser "SK" pour "Sonderkommando" permet donc d'éviter une inutile confusion. Cela d'autant plus que le terme de Sonderkommando (qui, rappelons-le, signifie seulement "commando spécial") peut être rencontré avec une toute autre acception, parce que les Einsatzgruppen [voir ce mot] étaient organisés en commandos spéciaux de volontaires SS.

Stubendienst : (ou Stubenältester) chef de chambrée. Prisonnier responsable de l’administration du Block, sous l’autorité du Blockältester, lui-même sous celle du Lagerältester.

Transport : terme utilisé par les allemands, en général conservé dans les textes, auquel je préfère celui de "convoi" qui est plus respectueux. En effet, le mot "transport" évoque les wagons d'un train dans lesquels les déportés arrivaient dans les camps. Il m’a parfois semblé nécessaire de le maintenir pour garder cette pesanteur des spécificités du vocabulaire nazi. Si nous nous arrêtons un moment sur les choix des termes quant à cette thématique : un prisonnier était un "Stück" (un morceau, un bout), qui était "überstellt" (livré), et sur la "Rampe" (quai de déchargement des marchandises) il était "verladen" (déchargé)…
Les transports RSHA concernent les Juifs amenés à Birkenau sur décision du Bureau aux questions juives.    

Vidage de Bunker : (Bunkerentleerungen) il est souvent évoqué lors du procès d’Auschwitz à Francfort. Cette expression fait référence au Block 11 d’Auschwitz I qui contenait des cellules de prison en sous-sol [voir "Block 11" et "cellules debout"]. Les prisonniers qui y étaient enfermés, lorsqu’ils ne mouraient pas de faim, de soif, d'étouffement faute d'aération ou sous la torture, étaient extraits de leurs cellules pour être exécutés devant le "mur noir" (entre les Blocks 10 et 11) ou pendus. Ces cellules du Bunker se trouvaient donc à nouveau provisoirement vides.

Vorarbeiter : (littéralement : contremaître) prisonnier chargé de contrôler le travail d’une équipe. Lorsqu'il s'agissait d'un contremaître civil, il était appelé "Meister".