Gideon Hausner, procureur, au procès EichmannAvertissements préliminaires
Cette page ne prétend pas à l’exhaustivité (l’ensemble du Procès Eichmann = neuf volumes). Il s’agit d'un résumé des notes que j’ai prises au fur et à mesure de ma lecture. Elles sont très partielles : j’ai retenu ce qui est susceptible de m’être utile dans mes recherches, pas forcément tout ce qui pourrait être considéré comme essentiel, ni certaines des informations qui me sont connues par ailleurs.
Ces notes vont sans doute paraître extrêmement froides et distanciées et, en cela, ne reflètent pas l’intensité des témoignages, mais à l’inverse privilégient l’aspect informatif à l’aspect humain. Vous y trouverez en revanche l’indication de l’intégralité des témoins ayant déposé devant la cour (mais seulement l’évocation de quelques documents parmi les très nombreuses pièces du dossier). Enfin, certains éléments biographiques concernant des SS et leur devenir sont ajoutés par moi et non pas indiqués au moment du procès.
Lorsque j’ai pris ces notes je ne pensais pas les faire figurer sur le site, ce n’est que plus tard que j’ai finalement pensé que cela pourrait intéresser certains d’entre vous d'en établir ce résumé.

 

VOLUME 2
(Du 08 au 24 mai 1961, session 30 à 51)

Session 31
Documents concernant la Pologne et les décisions prises par le bureau d'Eichmann, dont T/364 par le SS Hauptstumrführer HOEPPNER qui était à Poznan : contient un compte rendu des échanges entre Eichmann et le SS Untersturmführer SEIDL à Poznan le 5 juin 40 qui mentionne les activités de KRUMEY, SCHMIED et SCHWARZHUBER (ce dernier étant celui qui arrive Auschwitz en septembre 41).
Ces documents forment une conclusion à ce qui concerne la Pologne et les pays de l'Est. S'ouvre donc la partie concernant l'Ouest et le Nord, destinée à "démontrer que l'accusé était la personne immédiatement et directement responsable de l'exécution de cette opération, qu'il l'a dirigée, conseillée et supervisée, que ce soit personnellement ou par le biais de ses subordonnés, les hommes de son service". Cette partie commence par la France où DANNECKER est le représentant d'Eichmann à Paris. Sont évoquées la spoliation puis les mesures antisémites.
Pièce T/389 : courrier de KNOCHEN visé par Dannecker dans lequel le dernier paragraphe expose que, basé sur des fondements idéologiques, l'antijudaïsme ne "marchera pas" en France, qu'il faut utiliser des raisons économiques (concerne les Juifs d'origine étrangère).
T/393 : rapport de Dannecker à ZEITCHEL sur le nombre de Juifs en France selon les régions. Il se plaint par ailleurs de l'inactivité des autorités Françaises concernant les mesures antijuives.
T/405 : souhait que la Hollande, la Belgique et la France soient "gérées" simultanément (à Bruxelles Sturmbanf. EHLERS, à Amsterdam ZOEPF et Sturmbahnf. LAGES).
T/416 : sur le premier convoi parti de France (Compiègne -> Auschwitz) : un télégramme de GÜNTHER : seulement les Juifs capables de travailler, essentiellement des hommes, 5 % de femmes au maximum.

Session 32

T/430 : document d'Otto ABETZ, ambassadeur d'Allemagne à Paris, disant qu'il ne fera pas d'objection à ce que 40.000 Juifs soient déportés de France, mais qu'il faudrait que ces déportations soient conduites de telle manière qu'elles augmentent l'antisémitisme de la population française.
T/432 : évoque la rencontre du 4 juillet 42 en présence notamment du Standartenf. Knochen et de l'Hauptsturmf. Dannecker, et pour représenter la France BOUSQUET, DARQUIER de PELLEPOIX et d'autres.
T/433 : Dannecker informe Eichmann que LAVAL demande que soient déportés aussi les moins de 16 ans de la zone non occupée et sollicite son accord pour le 15e convoi. À cette époque ils avaient décidé que quatre trains devaient partir de France chaque semaine.
T/439 : le 20 juillet 42 appels téléphoniques (Eichmann et l'Oberscharf. NOVAK) pour dire que "Kindertransporte können rollen".

Session 33
Georges WELLERS, né à Paris, maître de recherches au CNRS et à la Sorbonne. Né à Koslov (Russie), arrivé en France en 29, citoyen français depuis 38. En 39 il s'engage dans l'armée, en juin 40 il est à Bordeaux. Il revient alors à Paris et reprend son travail au laboratoire de physiologie. Il témoigne d'une première rafle en mai 41 ou sont arrêtés, après convocation, les hommes adultes et de nationalité étrangère qui seront emmenés à Beaune et Pithiviers. Deuxième rafle le 2 août 41 à Paris 11e : 4.000 arrestations à domicile -> Drancy. [Erreur de date, il s'agit du 20 août] Lui sera arrêté le 12 décembre 41, chez lui, par un simple policier allemand puis regroupé avec 750 prisonniers intellectuels et/ou connus. Ils sont emmenés à Compiègne, officiellement appelé Frontstalag 122, gardé par la Wehrmacht et divisé en trois parties : un camp pour les Russes arrêtés en juin 41 (Juifs ou non, Soviétiques ou immigrés), un pour les politiques français, un dont ils furent les premiers occupants, tous Juifs. Dans les deux autres camps était possible d'envoyer et recevoir des courriers, recevoir des colis voire même des visites. La première fois qu'il a vu Dannecker, c'était à l'Ecole militaire le jour de son arrestation. Il l'a revu le 12 mars 42 avec PELZER (commandant des camps de Compiègne) et NACHTIGAL (Commandant du camp des Juifs de Compiègne). Il est ramené à Drancy en juin 42, d'où il a vu partir 40 à 50 convois. On ne savait alors pas du tout où allaient les trains. Il se souvient avoir vu trois cartes postales "de Birkenau" en janvier 43 disant que tout allait bien. Les 16 et 17 juillet 42 (Vel d'Hiv) sont arrêtés hommes femmes et enfants. Les plus de 12 ans sont envoyés directement à Drancy, pas au vélodrome. Le 19 juillet ce sont les premières déportations de ces familles ayant des enfants de plus de 12 ans. Elles dureront jusqu'au 15 août environ.
Chaque semaine 3.000 Juifs "partaient" et 3.000 autres arrivaient à Drancy. Ceux qui étaient au Vélodrome ont d'abord été emmenés à Beaune la Rolande et Pithiviers puis tous les adultes ont été envoyés directement à Auschwitz. Leurs enfants sont arrivés seuls à Drancy durant la deuxième moitié d'août en quatre convois de 1.000 avec 200 adultes qu'ils ne connaissaient pas. Ils arrivaient, comme tous à Drancy, en bus, encadrés par la police de Vichy. Quatre équipes de femmes ont été constituées pour s'en occuper. Les enfants étaient à 120 par pièce. À partir de neuf heures du soir, tout adulte était interdit avec les enfants sauf les trois ou quatre personnes qui pouvaient se déplacer partout dans Drancy comme c'était son cas. Tous ces enfants furent déportés en août et septembre, en convois de 1.000 enfants plus 500 adultes. ROETHKE était présent à la plupart des départs de convois.
En été 42, il y a eu beaucoup de suicides à Drancy. Il y avait alors entre 4 et 8.000 personnes. Il a vu embarquer des gens sur des brancards, des malades mentaux après piqûre de tranquillisant, des femmes avec un bébé dont elles venaient d'accoucher...
Ont "géré" Drancy : DANNECKER puis ROETHKE puis BRUNNER. Brunner a officiellement pris ses fonctions le 2 juillet 43. Il a alors renvoyé tous les membres de l'administration de Vichy, seuls des policiers gardaient le camp à l'extérieur. Il était avec trois autres SS : BRUECKLER, Oberscharf. WEISEL et Unterscharf. KOETTLER. Ils faisaient régner la terreur, les deux premiers en particulier. Les "émissaires" étaient aussi une invention de Brunner. En septembre 43, Brunner est parti à Nice puis des groupes de Juifs arrêtés dans le Sud ont commencé à arriver à Drancy, surtout de l'ex zone Italienne (capitulation de l'Italie entre temps).
Ceux qui avaient porté l'étoile par solidarité et avaient été pour cela arrêtés le 8 juin 42 ont été envoyés à Drancy puis libérés le 1er septembre de la même année.
Le 30 octobre 43, 250 hommes environ sont envoyés au 43 Quai de la Gare puis 100 femmes aussi pour le "Deutsche Dienstelle" ou "Dienstelle Rosenberg" ou "Einsatzstab Rosenberg". Dans ce lieu, des camions apportaient les biens des Juifs arrêtés, tout ce qui était dans leurs appartements (vêtements, livres, jeux d'enfants, tout). C'était ensuite envoyé en Allemagne par train. Les objets de valeur étaient exposés et des Allemands de haut rang venaient y faire leur choix puis indiquaient l'adresse où envoyer les objets qu'ils avaient choisis. 50 à 60 camions arrivaient chaque jour. Brunner lui-même y passait quasiment tous les jours.
Le 30 juin 44 il est déporté à Auschwitz. Ils étaient 70 à 80 par wagon. Seul le premier train parti de France était un train de voyageurs. Il y avait 20 à 25 wagons par train. Sur son convoi : seuls quatre ou cinq survivants.
 
Session 33
Documents.  
T/443 : de ROETHKE au IVB4 qui fait le rapport de la Rafle du Vel'd'Hiv.
T443 : signé GÜNTHER disant que ces enfants doivent être peu à peu envoyés à Auschwitz.
T/444 : de ROETHKE à EICHMANN : le 14 août 42 à 8h55 un train a quitté Le Bourget-Drancy vers Auschwitz avec 1.000 Juifs dont, pour la première fois, des enfants.
T/454 : demande de ROETHKE : que la police française soit informée au dernier moment des rafles, sans quoi ils préviennent les populations.
Différents documents disant que la France ne veut plus coopérer pour la déportation des Juifs français. Documents concernant l'attitude de l'Italie, protégeant les Juifs en France du Sud Est.
T506 : suggestion de KNOCHEN de payer les dénonciateurs de Juifs cachés. Dans le même esprit est évoquée la situation en Belgique avec BARGEN (représentant du Ministère des affaires étrangères à Bruxelles) où l'on se plaint que trop de Belges cachent des Juifs chez eux.

Session 34
T/520 : chiffres des déportations concernant la Belgique : 25 437 déportés (10.800 hommes, 9.900 femmes et 4.364 enfants).
Joseph MELKMAN, médecin, né en Rolande, installé en Israël depuis mai 57. Devenu chercheur sur la Shoah à Yad Vashem. À la déclaration de la guerre, il était à Amsterdam, professeur de latin et grec dans un lycée non juif et rédacteur d'un hebdomadaire sioniste. Rafle dès 41 ("Grüne Polizei"). La SS leur disait qu'on ne revenait pas vivant de Mauthausen. À l'origine, Westerbork avait été mis en place par des fonds juifs pour les Juifs enfuis d'Allemagne après 38. Le quartier juif d'Amsterdam est bouclé et déporté en mai 43. Lui-même est pris dans une telle rafle le mois suivant avec sa femme (leur enfant était caché chez une femme non juive). Ils resteront 8 mois à Westerbork où le commandant était GEMMEKER. Il y avait un grand camp dans le Sud du pays à Vught (que les Allemands appelaient Hertogenbosch). Il y avait Ellerkorn, un camp d'entraînement pour les SS. Les gens arrivant à Westerbork depuis ce camp étaient dans un état épouvantable. Les trains partaient de Westerbork le mardi : à 3h du matin on appelait ceux qui allaient être déportés et le train partait le lendemain à 11h. 4.000 enfants environ ont été sauvés parce que cachés dans des familles non juives. Il y avait 140.000 Juifs en Hollande, 110.000 ont été déportés et 6.000 sont revenus.
Félix GUTMACHER, né à Bruxelles en 1926 de parents Polonais ayant émigré en 23 (témoignage écrit dont sont lus des extraits). Il évoque les débuts de Malines (juin-juillet 42). Lui-même a été déporté à la mi-septembre. Son train a été arrêté, on a fait descendre ceux qui avaient de 16 à 45 ans puis le train est reparti pour Auschwitz. Eux sont allés au camp de Sakrau, là de nouveau une sélection (par un "Judenhändler"), cette fois selon l'emploi : tous ceux qui déclarent des professions intellectuelles sont dirigés vers un camp d'extermination. En 43, ce même Judenhändler viendra demander des volontaires pour une usine. Il s'avérera qu'on y manipule du soufre. Seuls les prisonniers non juifs auront le droit de porter un masque. Les 500 prisonniers juifs sélectionnés mourront.
Documents.
SEYSS-INQUART est le représentant du Reich pour la Hollande, avec son adjoint l'officier WIMMER dont STILLER est l'un des assistants. ZOEPF est le représentant d'Eichmann ("le Dannecker de la Hollande").
T/537 : ZOEPF écrit noir sur blanc "le camp de propagande de Theresienstadt".

Session 35
Documents concernant la Hollande.
L'Hauptsturmführer SEIDL, qui avait été commandant de Theresienstadt, adjoint d'Eichmann, va devenir commandant de Belsen. Il est actif aussi quant aux déportations de Slovènes en Yougoslavie.
En novembre 43 Eichmann vient en Hollande.
T/572 : rapport officiel du Gouvernement Hollandais pour Nuremberg.
Werner David MELCHIOR. Son père était rabbin à Beuthen puis au Danemark. Ils vivaient au Danemark quand les Allemands sont arrivés le 9 avril 40. Il y avait alors près de 7.700 Juifs dont 1.400 étaient des réfugiés d'Europe centrale. Une propagande antisémite s'est mise en place mais rien de plus jusqu'en août 43 car les incidents qui avaient lieu étaient réprimés par la loi. Le 23 août 43 c'est l'instauration d'un régime militaire. Werner BEST est aux "Affaires Juives". Le Roi dit qu'il se considère comme prisonnier de guerre. Le 28 septembre 43, DUCKWITZ est informé de la rafle en préparation. Elle doit avoir lieu la nuit du 1er octobre 43. L'information est donnée au leader du parti social-démocrate BOHL ainsi qu'à deux autres anciens Premiers ministres HEDTOFT et HANSSON. Ces hommes politiques préviennent le jour même la communauté juive qui a du mal à y croire. Les rabbins annoncent la rafle dans les synagogues (c'est Rosh Hashana) et disent qu'il ne faut pas être chez soi. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Seules 472 personnes seront capturées et envoyées à Theresienstadt où le gouvernement Danois expédiera des colis. Ils n'ont été victimes d'aucun mauvais traitement, 422 sont revenus. Comme la plupart des Juifs Danois qui ont été sauvés, il est lui-même passé en Suède, par bateau, avec un pêcheur. [Voir aussi la page Copenhague sur le présent site]

Session 36
Documents concernant le Danemark.
T/580 : de VON THADDEN à Eichmann : le plénipotentiaire du Reich au Danemark, le Gruppenführer Werner BEST informe le Ministère des affaires étrangères que le commandant des forces Allemandes au Danemark a refusé de mettre la police militaire et la Feldgendarmerie à disposition de la police de sécurité allemande pour l'opération contre les Juifs. Le traitement spécifique réservé au Danemark par les Allemands a des raisons politico-économiques.
Situation de la Norvège : les Allemands décident que les Juifs de Norvège seront déportés vers Auschwitz d’abord par bateau (départ d'Oslo, arrivée à Stettin).
Henrietta SAMUEL, né à Berlin, elle arrive en Norvège en 1930 avec son mari qui est rabbin à Oslo. Il y avait alors 1.700 Juifs en Norvège dont 1.200 à Oslo où ils vivaient normalement, sans antisémitisme. Les premières mesures commencent au début de l'année 42 puis les premières arrestations. Le 26 octobre 42 tous les hommes Juifs sont arrêtés par la police norvégienne et les Allemands puis emmenés au camp de Berk. Le 26 novembre ce sont les femmes et les enfants qui sont arrêtés. Il s'agira au total de 750 personnes qui ont toutes été emmenées à Auschwitz. 12 survivront, dont Kai FEINBERG. La résistance en Norvège était très secrète : qui aidait un Juif était tué. 850 Norvégiens juifs furent néanmoins sauvés, pour la plupart en passant en Suède malgré l'étroite surveillance.
Documents   
T/608 : déposition de Kai Feinberg.
Concernant l’Italie. Les Allemands considèrent que le "mauvais exemple de l'Italie" qui refuse de livrer ses Juifs influe sur l'attitude de la Croatie, la Roumanie, la Bulgarie et la Slovaquie. Les Allemands prennent le pouvoir en Italie le 9 septembre 43, en octobre ils décident la déportation des 8.000 Juifs de Rome vers Mauthausen.
Helda CAMPAGNANO née CASSUTO est née à Florence. Après des études en mathématiques à l'Université de Florence puis de Rome, elle obtient le concours de professeur de math-physique. Elle se marie en 39. Malgré les lois antijuives, jusqu'en 43 il n'y a pas d'inquiétude pour la sécurité personnelle de chacun. À partir de septembre 43, le changement est radical. Elle a alors deux enfants. Elle avait entendu (radio Londres) parler des chambres à gaz et l'avait cru, même si elle pensait qu'il devait y avoir aussi une part de propagande. À Florence -où elle était alors- les arrestations commencent fin septembre, deux à trois semaines après l'arrivée des Allemands. Elle va se cacher dans un monastère avec divers membres de sa famille mais, apprenant que les Allemands fouillent les monastères, elle fuit, d'autant qu'ils annoncent qu'aider un Juif sera puni de la peine de mort. Elle témoigne avoir reçu de l'aide de tous les types d'Italiens et de toutes les classes sociales, ce qu'elle explique par trois raisons : la haine des Allemands, l'action des partisans, la gentillesse italienne.

Session 37
Documents sur l'Allemagne.
T/644 : HEYDRICH qui déclare déjà le 08 septembre 39 que "tous les hommes Juifs de nationalité polonaise doivent être arrêtés".
Hildegard HENSCHEL, épouse et veuve de Moritz Henschel. Elle est née à Berlin où elle est restée jusqu'au 16 juin 43. Le port de l'étoile est obligatoire à partir du 19 septembre 41, lendemain de Kippour. Dans un premier temps, les Juifs sont évacués de leurs logements et regroupés dans une synagogue. À cette époque, elle travaillait comme secrétaire des médecins à l'hôpital juif qui devait examiner la "transportabilité" des malades. Le 16 octobre 41 c'est le premier transport vers Lodz. Durant l'été il y avait déjà eu quelques déportations, certaines vers Gurs, notamment depuis la région de Baden. La seule façon d'éviter la déportation était le suicide et, de fait, beaucoup ont attenté à leurs jours. Comme elle travaillait à l'hôpital où ils étaient amenés, elle peut dire qu'environ 1.200 personnes ont tenté de se suicider entre octobre 41 et le début de 42, rien que pour Berlin.
Avant le départ, les bagages étaient fouillés dans un local surnommé "Schleuse" (écluse). En novembre 43, on disait aux déportés qu'ils allaient pouvoir mettre en place des kibboutz dans la région de Riga.

Session 38
Mordechaï ANSBACHER, né à Würzburg en 27 où il est resté jusqu'en janvier 39. Il est alors déporté en Belgique puis, avec l'occupation de la Belgique, vers Gurs. Après de nombreuses étapes intermédiaires, il arrive à Theresienstadt avec sa mère en été 42. Il témoigne du fait qu'il y avait sans cesse des transports "vers l'Est" à partir de 43. Il décrit Theresienstadt : les bâtiments, les conditions de vie, le travail, les cours organisés pour les jeunes par Yaacov Edelstein bien que toute école soit interdite, Freddy Hirsch, Frizi Zucker, ... Il avait alors 15 ans. A Theresienstadt ils ne disaient pas "organisieren" mais "schleusen". Document T/651 où l'on voit le bâtiment où il habitait, sur une photo montrant l'arrivée d'un convoi à la "Schleuse". Il raconte également la "Verschönung Aktion" lorsqu'une visite de la Croix-Rouge était annoncée.
Max PLAUT. Son témoignage a été déposé en 53 à Tel-Aviv, des passages en sont lus parce qu'il est alors hospitalisé à Brême.
Documents :
Notamment sur les Juifs Allemands déportés dans les camps de France fin 40 depuis Baden et le Palatinat.
Evocation de la rencontre du 15 janvier 41 où il était question de citoyenneté, propriété et perte des biens par perte de citoyenneté. Le Ministère de l'intérieur propose que tout Juif allemand, qu'il soit dans ou hors du pays, perde la nationalité et devienne apatride, sauf cas exceptionnel. Le IVB4 est créé en janvier 41.
T/680 : les colis partant d'Allemagne vers les camps de France (nourriture, vêtements ou argent) sont interdits.

Session 39
Michaël MUSMANNO (qui a été juge à plusieurs des procès de Nuremberg). Long débat suscité par Maître Servatius : un juge peut-il être cité comme témoin ? Il vient finalement à la barre pour témoigner de ce qu'il a appris sur Eichmann par d'autres accusés lors d'autres procès. Il affirme qu’Eichmann est allé voir des opérations d'Einsatzgruppen. Évoque le lien Blobel-Eichmann (effacement des traces).

Session 40
W. Best a été jugé au Danemark puis est parti vivre en Allemagne. Il a témoigné à son procès du fait que Heinz JOST ne voulait pas participer à l'abattoir des Einsatzgruppen. De l'avis de Michael Musmanno, Hitler avait une confiance totale en Eichmann et lui a mis le programme d'extermination entre les mains au travers d'Himmler. Ribbentrop allait jusqu'à dire qu'Hitler n'était responsable de rien d'autre que de sa totale confiance en Eichmann... Il évoque l'attitude de Frank, le gouverneur général de Pologne, lors de son procès. Il cite le SS Erwin Schultz, dirigeant un Einsatzkommando, qui a demandé à être relevé de ses fonctions et l'a été par Heydrich, ce qui n'a pas empêché d'être promu ensuite. Ce cas de figure s'est produit pour d'autres. [Davantage de détails sur le cas du SS Schultz ici, site Nizkor]
   
Session 41
Documents sur la situation en Hongrie.
T/689 et 690 : Les interrogatoires du SS Standartenführer Kurt BECHER (1909-1995) à Nuremberg. A la tête du Bureau économique de la SS à Budapest en 44, il était le représentant d'Himmler pour les négociations avec les institutions Juives de Budapest pour les permis de départ à payer, sujet pour lequel il était en partie en contact avec Eichmann.
Horst GRELL s'occupait des "Affaires Juives" à Budapest, à l'Agence Allemande du Ministère des affaires étrangères "une sorte d'officier de liaison entre VEESENMEYER et la section IVB4 de l'accusé".
T/691 : déclaration de Veesenmeyer à son procès où il mentionne l'affaire du camp Kistarcsa. Il vivait toujours à Francfort en 1961.
T/692 : témoignage du SS Obergruppenführer Hans JÜTTNER (1894-1965) à Nuremberg où il évoque la marche forcée en novembre 44 dont Eichmann est accusé. L'ayant vue et trouvée choquante, il avait essayé de la faire cesser.
Heinrich Karl Ernst GRÜBER, Chrétien, habite Berlin, pasteur de profession. Durant la guerre, il est allé à différentes reprises avec les représentants de la communauté juive (rabbin BAECK, Otto HIRSCH, EPSTEIN) au 116 de la rue Kurfürstenstraße pour représenter, tenter de défendre, et parler pour ceux qui étaient devenus des "citoyens de 2nde classe". Il avait l'impression d'être face à "un bloc de glace ou un bloc de marbre" et quelles que furent ses demandes, il ne se souvient pas d'une seule réponse favorable. Il a été arrêté le 19 décembre 40 pour ses activités par rapport au camp de Gurs (il parvenait à y envoyer argent et médicaments) et envoyé à Sachsenhausen (où il y avait le pasteur Niemoeller). En octobre 41 tous les religieux sont envoyés à Dachau (ils y étaient environ 700, isolés des autres) d'où il sera libéré le 23 juin 43.
Il évoque les sélections des "invalides" pour le travail à Sachso, environ 300 par transport, qui étaient emmenés et sans doute gazés en Allemagne (Hadamar ?) avant que leurs affaires personnelles ne reviennent au camp 15 jours plus tard. Il témoigne qu'à Dachau arrivaient beaucoup de biens venant d'Auschwitz. Il évoque les expériences médicales. Il dit qu'en Allemagne les personnes les plus promptes à aider les Juifs émanaient des classes ouvrières et que, par ailleurs, la Suisse n'était pas favorable à l'immigration Juive.

Session 42
Charlotte SALZBERGER née WRESCHNER, née en 23 à Francfort, elle part en Hollande avec sa famille en 34 où elle reste jusqu'en 44. Enregistrée comme Juive après l'invasion allemande de février 41 (v. T/694) elle perd sa nationalité allemande. Elle obtient la nationalité équatorienne et reçoit un passeport en 42 mais il sera impossible de sortir de Hollande. Elle fait également des demandes pour la Palestine. Elle sera transférée à Westerbork avec sa sœur en octobre 43 (T/700 : la carte du camp par sa soeur) où elles restent jusqu'en janvier 44. Elles sont alors déportées à Ravensbrück (T/701 : leur document d'entrée) dont on leur dit que c'est un "Austauschlager", un camp destiné aux échanges. Elles y restent jusqu'en février 45. Elle décrit le quotidien à Ravensbrück sous le commandement de SUHREN. Elles sont ensuite emmenées à Theresienstadt. Elle raconte la fin du camp.

Session 43
Documents essentiellement sur la spoliation et les ghettos et camps spécifiques (par ex pour les "Juifs d'échange" ou le camp de Nisko).

Session 44
Documents
T/816 : déposition du SS Rudolf Hermann Emil BRANDT (1909-1948), conseiller personnel de Himmler en lien avec le Ministère de l'intérieur, au procès des médecins à Nuremberg.
Documents sur l'Autriche puis sur le Protectorat de Bohême Moravie, notamment T/294 : compte rendu d'une réunion à Prague le 10 octobre 41 qui évoque pour la première fois la mise en place de Theresienstadt. Le Bureau central pour l'émigration juive (Zentralstelle fur jüdische Auswanderung) contrairement à celui de Vienne puis celui de Berlin, changera de nom à Prague et deviendra "Zentralstelle für die Regelung der Judenfrage". Les archives d'Eichmann (du bureau du 116 Kurfürstenstraße) font partie de ce qui a été brûlé à Theresienstadt en mars 45 (cf témoignage de Charlotte Salzberger).
Documents sur la Tchécoslovaquie puis Theresienstadt dont T/842 : la déposition de Siegfried SEIDL (1911-1947) en octobre 45, le premier commandant du camp (du 1er novembre 41 au début juillet 43) lors du procès à Vienne où il sera condamné à mort et exécuté. À Theresienstadt c'est l'Obersturmbannf. BURGER qui lui succèdera. Seidl deviendra ensuite le premier commandant de Belsen. En mars 44 : Mauthausen puis rejoint l'Einsatzkommando d'Eichmann en Hongrie.
T/843 : documents du Conseil Juif de Theresienstadt, enterrés puis récupérés après guerre et gardés à Prague.
Ernst RECHT, né à Pilsen, 59 ans, vivait à Prague en 39 et était directeur d'imprimerie. Il a pu travailler jusqu'au 30 décembre 41, son imprimerie est ensuite devenue "entreprise aryenne". Son témoignage concerne la tutelle ("Treuhandstelle") du Conseil des Anciens de Prague.

Session 45
Documents sur Theresienstadt. Les commandants : Seid puis Burger puis Karl RAHM (condamné à mort et exécuté) dont la déposition du 24 mars 47 est la pièce T/864.
Viteslav DIAMANT né en 1901 en Tchécoslovaquie, vivait à Prague en 39. Le 14 décembre 41 il a été envoyé à Theresienstadt avec l'un des premiers transports. Du fait de sa formation d'électricien, il était employé comme tel, habitait la même baraque que le Conseil des Anciens. Il y faisait des copies de tous les ordres venant du commandant du camp qu'il a cachées puis envoyées au gouvernement Tchèque après guerre. Il dit que le 9 janvier 42 est parti le premier transport de Theresienstadt. Il témoigne du fait que les déportés étaient choisis par le Conseil des Anciens non pas par les SS.
Adolf ENGELSTEIN, né en 1903 à Stonova près d'Ostrava en Tchécoslovaquie. Ingénieur. En 39, il vivait à Moravia et travaillait à la construction de voies ferrées jusqu'en août 42 où on lui a interdit ce travail. Le 23 janvier 43, il est envoyé à Theresienstadt jusqu'au premier mars 44. Il est ensuite affecté par Eichmann à la construction d'un camp près de Berlin (Trebenitz) qu'on leur avait dit destiné aux SS. Le 3 février 45 ils sont ramenés à Theresienstadt où ils sont affectés à la fermeture hermétique de corridors souterrains et en particulier de la "raveline 20". Ces travaux sont arrêtés à la mi-mars.
Documents qui concernent la Yougoslavie et les différentes situations selon les régions du pays. En 41, environ 78.000 Juifs y vivaient dont 4.000 étrangers venus s'y réfugier. 60.000 seront assassinés.
 
Session 46
Documents
WEBER du Ministère des Affaires étrangères. Untersturmf. Franz STUSCHKE du IVB4. Sturmbannf. Friedrich SUHR du IVB4 (1907-1946). Docteur en droit. A participé aux Einsatzgruppen de novembre 42 à novembre 43. Se suicide en prison en mai 46. Sturmbannf. Ernst WEIMANN chef de la police de Belgrade. Standartenf. Wilhelm FUCHS (1898-1947) BdS (Befehlshaber der Sicherheitspolizei und des SD) en Serbie en 41-42 puis Einsatzgruppen 3 en Union Soviétique en 43 et 44. Condamné à mort à Belgrade. Franz RADEMACHER (1906-1973) Juriste de formation, diplomate pour le IIIe Reich en Uruguay jusqu'en 40 où il arrive au Judenreferat du Ministère des affaires étrangères (Ribbentrop). Martin LUTHER (1895-1945) qui a l'idée du plan Madagascar. Il va finalement gérer les déportations et exécutions de Juifs Serbes en octobre 41. Il a des responsabilités également dans ce domaine en France, Belgique et Hollande.
Hinko SALZ, né à Bieleca (Herzégovine) en 1906, dentiste, études universitaires à Zagreb et Vienne. En février 41 il vivait à Slavonski Brod, ville industrielle de Yougoslavie, en Croatie. Service militaire comme officier de réserve (février 41). La guerre contre la Yougoslavie est déclarée le 6 avril 41. Fait prisonnier, il s'évade et réussira à s'enfuir pour atteindre la Suisse à la mi-septembre 43.
Alexander ARNON, 63 ans. Le 10 avril 41 (à l'entrée des troupes allemandes dans Zagreb) il vivait à Zagreb où il était secrétaire de la communauté juive, directeur de l'Organisation d'émigration puis directeur territorial du Joint. En Yougoslavie 0,5 % de la population était Juive (35.000 personnes). Il n'y avait d'antisémitisme que dans la région Croate.
Les victimes Yougoslaves : 20 000 Juifs sont morts dans les camps croates et 10.000 dans les camps d'extermination ainsi que 40.000 Tsiganes. Selon les sources les plus fiables 330 à 390.000 Serbes ont été victimes des Oustachis (en Croate "insurgés". Parti fasciste fondé en 29 par Ante PAVELIC qui sera appelé le "Poglavnik").
Ce même 10 avril 41 le maréchal KVATERNIK proclame l'Etat indépendant de Croatie. Le lendemain matin, le premier homme de la Gestapo arrive au bureau de la communauté juive et annonce que le bâtiment est confisqué et les personnes présentes en état d'arrestation. Les mesures antijuives s'ajoutent aux actions des Oustachis. Fin mai se mettent en place des lois modelées sur celles de Nuremberg et le port de l'étoile (avec le Z de "Zidov") sur la poitrine à gauche et sur l'épaule droite (même pour les bébés). Le camp de Jadowna (province de Licca) était géré par les Oustachis. Quelques mois plus tard, lorsque les Italiens se préparent à occuper ce district, les Oustachis tuent tous les occupants du camp. Le 22 juin la Croatie déclare la guerre à la Russie. Le 26 on collait des affiches annonçant la création de camps de concentration. À part Jadowna, qui existait déjà, est notamment créé Jasenovac où périrent 60.000 personnes dont 20.000 Juifs. En dehors de Loborgrad, les camps étaient tenus par les Oustachis.
Il parviendra à fuir à Ljubljana (territoire occupé par les Italiens) en mai 42 puis en Italie en août et en Suisse en septembre 43. Il apprendra la création de Sajmiste, le grand camp près de Belgrade où 90.000 personnes ont été détenues dont 7 à 8.000 Juifs. Les prisonniers y mouraient de faim, étaient tués, ou "déportés vers l'Est".
Sur les 75.000 Juifs de Yougoslavie, 60.000 furent tués, 8.000 sont venus en Israël, 2.000 en Amérique du Nord ou du Sud, au Canada ou en Australie. 5 à 6.000 vivent aujourd’hui en Yougoslavie.
Documents
T/892 : rapport de la Commission Yougoslavie (juin 45) de Milan MARKOVIC.
Le Sturmbannf. Hans HELM est resté à Zagreb lors de la retraite de l’armée Allemande. En 46 il est reconnu, arrêté, jugé.
Obersturmbannf. Ludwig TEICHMANN (1909-?1947), entré à la SS dès 29, n°1789. En Croatie et Serbie de 41 à 43. Concerné par Sajmiste où il n’y avait pas de chambres à gaz mais officiaient 5 camions (T/896). Même procès que Fuchs à Belgrade en 46.
T/897 : August MEISNER commandant de la police et de la SS, a été condamné à mort. Aleksander BENAK, administration croate qui agissait avec les SS, condamné à mort. Leurs dépositions sont ajoutées aux pièces du présent procès.
Slovénie. Une partie (la Styrie, "Untersteiermark") sous occupation allemande doit être vidée de sa population chrétienne par le bureau d’Eichmann, vers la Serbie et la Croatie. A Marburg on retrouvera Seidl, le Standartenf. LURKER, Fuchs et l’Hauptsturmf. Franz ABROMEIT (1907-?1964) qui, à partir de 42 est Judenberater pour la Croatie au IVB4. On le retrouve en Hongrie en 44. En 45 il s’enfuit en Egypte. Il est considéré comme mort en 1964.
Evocation des refus Italiens de livrer des Juifs.
Evocation de l’Organisation Todt.
Obergruppenf. Siegfried KASCHE (1903-1947) Ministère du Reich à Zagreb de 41 à 45. Jugé en mai 47 en Yougoslavie, condamné, pendu.

Session 47
Documents.
T/910 : déportation des Juifs Croates vers Auschwitz (2.000 personnes).
Hermann KRUMEY (1905-?) pharmacien de formation. A Posen en 39, à Lodz en 40, en Croatie en 41, à Zamosc avec Globocnik fin 42, à Budapest avec Eichmann en été 44. Arrêté en 45, relâché en 48. Arrêté à nouveau en 68, condamné à l'emprisonnement à vie, confirmé en appel en 1973.
Texte d'un entretien de Life magazine avec le SS Untersturmf. Willem SASSEN (1918-2001),nazi hollandais, journaliste. En juin 41 il s'engage sur le front de l'Est (Barbarossa), il est correspondant de guerre avec la division SS Viking. Il est exclu par les Allemands en octobre 44. Arrêté en 45 il s'évade. Dans les années 70 il est au Chili au service de Pinochet. Dans les années 50 il avait interviewé Eichmann pour Life magazine : c'est ce dont on parle ici.
Bulgarie. Adolf BECKERLE (1902-1976) "Deutscher Gesandter in Sofia" participera à la déportation des Juifs Bulgares. Il faisait partie de la SA et du NSDAP (n°7.197). Fin 39 il est à Lodz puis volontaire sur le front de l'Ouest en 40. Capturé en septembre 44 par les Soviétiques, il est condamné à 25 ans de prison. KLINGENFUSS du Ministère des Affaires étrangères. DANNECKER à partir de janvier 43. Le 8 février 43, il annonce (T/932) la possible déportation immédiate de 10 à 12.000 Juifs qui n'ont pas la nationalité Bulgare et que (T/933) le Premier Ministre bulgare est d'accord. Prévision de 2 convois par semaine de 2 à 3.000 personnes chaque (T/936). Au Parlement bulgare, PESHEV (qui va démissionner) et le Ministre de l'intérieur BELEV (qui travaillait directement avec Dannecker). Le 5 avril 43, 11.343 Juifs ont été déportés et Günther écrit qu'il en reste 51.000. Mais le roi Boris s'exprime contre les déportations et le gouvernement bulgare va le suivre. Le gouvernement propose d'assurer le transfert de 8.000 Juifs Bulgares vers la Palestine via la Turquie.
Grèce. Rapport du 20 juillet 1960 sur les Comités Juifs de Grèce avant et après guerre (T/953). La Grèce était divisée en deux zones : l'une occupée par les Allemands au Nord (Salonique) et l'autre par les Italiens au Sud (Athènes) jusqu'à l'avènement du gouvernement Badoglio. Wisliceny et Brunner sont venus "gérer" à Salonique (Wisliceny arrivait de Bratislava, début 43). MERTEN représentait la Wehrmacht (Kriegsverwaltungsrat) à Salonique. Etablissement d'un "Abwicklungstelle für das jüdische Barvermögen" (Bureau de liquidation pour les biens Juifs en numéraire). Rabin KORETZ chef de la Communauté de Salonique.  SCHÖNBERG, Consul général allemand en Grèce, estime (au 26 février 43) à 56.000 le nombre de Juifs à Salonique.
T/972 : lettre de Von Thadden à Eichmann disant que les Italiens autorisent le rapatriement en Italie de leurs ressortissants juifs vivant à Salonique.
Itzchak NECHAMA, né à Salonique en 1910. Il était papetier, associé avec un Yougoslave. Le 11 juillet 42 apparaît un nouveau journal "Das neue Europa", un quotidien, dans lequel est annoncé (T/974) que les Juifs de 18 à 45 ans doivent se présenter au "square de la Libération" (Plaza Elefteria). 9.000 y sont allés. Des photos lui sont montrées par le tribunal qu'il reconnaît et explique. Son convoi pour Auschwitz : 2.700 personnes, 78 par wagon. 10 survivants.
Documents.
MACKENSEN : Ambassadeur d'Allemagne à Rome.
T/992 : partie de la déclaration de Wisliceny depuis sa prison à Bratislava en juin 47 concernant la Grèce.
T/999 : déclaration d'Erwin LENZ, soldat Allemand, témoin à Nuremberg (10 mai 47) qui décrit les "Aktion" concernant les Juifs de Rhodes (juin-juillet 44).

Session 48
Roumanie.
Perla MARK, née en Pologne, études de pharmacologie, venue en Roumanie en 26 où son mari était rabbin de Czernowitz de 26 à 41. Le 7 juillet 41, quatre SS et deux soldats en armes viennent chez eux et emmènent son mari. Deux jours après, ils brûlent la synagogue. En septembre, est constitué le ghetto. Il y avait 70.000 Juifs à Czernowitz. Ils ont été déportés en Transnistrie, les convois ont commencé immédiatement. Ce sont des Roumains qui les assuraient. Certains pouvaient obtenir des Roumains des certificats pour rester en ville : ce fut son cas. En 44, elle obtient un permis pour la Palestine.
Documents.
La Transnitrie : entre le Bug et le Dniestr, à l'Est de la Roumanie, avant l'Ukraine, c'est un territoire de Moldavie. À partir du 2 août 40, République Soviétique (suite au Pacte germano-soviétique). La ville d'Odessa s'y trouve. Divers documents sur les fusillades qui ont eu lieu en Transnistrie.
Le 12 décembre 41, Richter arrive à Bucarest et rencontre le Premier Ministre Mihaï ANTONESCU.
T/1019 : recensement de la population Juive de Roumanie transmis par l'Hauptsturmf. Richter à Eichmann en avril 41.
Radu LECCA : conseiller aux Questions Juives dans le gouvernement Roumain, auprès du Premier Ministre..
Theodor LOEWENSTEIN, né en Roumanie où il vécut jusqu'en 57. Il y était professeur d'histoire juive à l'Université juive et professeur de philosophie dans un lycée de Bucarest. L'armée Allemande arrive à l'automne 40 et Richter en avril 41. Quand Antonescu est arrivé au pouvoir, Horia Sima commandait la "Garde de fer" et sa police, la "Police verte" qui arrêtait les Juifs et fonctionnait sur le modèle Allemand (voir le livre de Walter Hagen -alias Hoettl- Die Geheime Front). En fait il y avait désaccord entre eux et Antonescu qui, lui, demandait des lois sur lesquelles s'appuyer. Elles apparurent en effet, après le pogrom de Bucarest en janvier 41. De nombreux massacres furent ensuite perpétrés. Il dit : "la Transnistrie était notre Auschwitz", il y avait des camps d'extermination et des camps de travail forcé. En dehors de la Transylvanie, il pense que la moitié des Juifs Roumains (environ 300.000) a péri. Ils ont néanmoins réussi à faire partir de 15 à 18 bateaux vers la Palestine. Ceux qui le pouvaient payaient pour le voyage et Lecca prenait 50 % des sommes. Après l'interdiction des organisations juives officielles, se mettent en place des organisations clandestines. À partir du printemps 44, s'est organisée une résistance armée à Bucarest pour défendre le quartier juif.
En réponse à une question des juges, il dit que l'antisémitisme a toujours existé en Roumanie, mais sous une forme qu'il qualifie d'économique. Les théories raciales amenées par les nazis n'existaient pas. Les pogroms prenaient aussi une forme politique au sens où ils permettaient d'orienter l'opinion publique quand des problèmes sociaux ou économiques se faisaient pesants.
Il explique que les "Chemises vertes" étaient les SS de la Garde de fer roumaine.
Il raconte qu'ils ont envoyé des informations par un messager de l'ambassade Suisse, fondées sur des témoignages exposant ce qui se passait en différents lieux y compris la révolte du ghetto de Varsovie. Ces documents devaient partir vers Istanbul et Genève en 43 ou 44. Mais Welitsch, le messager, était en réalité un agent de la Gestapo qui a donné les documents aux services secrets Roumains. Une brochure les contenants est parue en 45 ou 46 sous le nom de "Gordonia".
Documents concernant la Roumanie.

Session 49
Documents concernant la Slovaquie.
Le contrôle des autorités Allemandes est absolu avec l'aide de Tiso qui aurait promis que la question juive serait résolue en Slovaquie pour le 1er avril 44.
Dieter Wisliceny, représentant d'Eichmann à Bratislava, a fait une déposition lors de son procès, le 6 mai 46 (T/1074) où il déclare que Eichmann prévoit la déportation de tous les Juifs Slovaques vers Lublin, avec perte de nationalité et participation financière de 300 à 500 Marks par personne. Eichmann vient à Bratislava en mai 42, il rencontre Vojtech TUKA (précédemment Bela Tuka en Hongrie, professeur d'Université, antisémite) puis MACH (Ministre de l'Intérieur de la Slovaquie) et raconte que les Juifs déportés autour de Lublin seront installés dans de petites villes polonaises où ils seront libres de leurs mouvements. Tuka insiste sur l'exigence que les populations juives soient bien traitées et dit qu'il prévoit d'envoyer une commission sur place parce qu'il a des doutes. Eichmann refusera sous le prétexte qu'ils n'ont plus la nationalité slovaque. Il finira par accepter une visite de Theresienstadt en août 43. C'est lors de cette visite d'Eichmann qu'ils apprennent l'attentat contre Heydrich, et Eichmann file à Prague.
Shlomo Yehuda Ernst ABELES, né en Slovaquie, études de Droit en Hongrie, officier de l'armée Austro-hongroise durant la première guerre. Actif dans la communauté juive depuis 33. Avant-guerre il y avait environ 95.000 Juifs en Slovaquie qui, jusqu'en 38, étaient à égalité de droits avec les autres citoyens du pays. C'était une minorité représentée en Tchécoslovaquie qui, par exemple, avait des élus au Parlement. Fin 38, la Slovaquie devient autonome avec le parti Hlinka, antisémite, au pouvoir. Des actes de brutalité se manifestent aussitôt dans les rues et même chez les habitants. En mars 39, c'est la déclaration d'indépendance de la Slovaquie qui devient en réalité un satellite de l'Allemagne. La garde Hlinka se met en place (uniformes noirs) ainsi qu'une autre organisation paramilitaire : les volontaires Schutzstaffel ou FS, composée d'Allemands citoyens Slovaques.
Le journal "Der Grenzbote" était jusqu’alors entre des mains Juives (propriétaire, éditeur en chef) parce qu'en Slovaquie, les défenseurs de la culture sllemande étaient juifs. Après l'établissement de l'État Slovaque, il passe entre les mains des Allemands avec Franz FIALA comme éditorialiste et le journal devient antisémite.
Le seul parti autorisé, hormis Hlinka, était le "Parti allemand" à la tête duquel se trouvait un ingénieur nommé KARMASIN.
Les premières lois anti-juives étaient plus désordonnées que systématiques, jusqu'à l'arrivée de Wisliceny. Un "Code Juif" est mis en place (lois déjà votées + nouvelles lois, dont le port de l'étoile). Un Office central économique est créé, l'UHU (Ustredni Hospoda Ugurat) destiné à transférer les biens juifs dans des mains aryennes. Il est géré par un Slovaque nommé MORAVEC. Un bureau spécifique auprès du Ministère de l'Intérieur appelé "14è bureau" est chargé de gérer la vie publique des Juifs. L'Office central Juif, ou UZ (Ustredna Zidov) avait à sa tête le Starosta Heinrich SCHWARZ, qui a rapidement été arrêté et maltraité, s'est enfui en Hongrie où il est mort. Le deuxième Starosta était Arpad SEBESTEYN (son secrétaire Ehrenfeld), il n'a pas été choisi par les organisations Juives contrairement au troisième, Oscar NEUMANN.
Il y avait trois camps de travail : à Sered, à Novaky et à Vyhne, dont l'UZ était responsable, tant sur le plan du matériel destiné à travailler, que sur celui de la nourriture. En 41 c'est le début de la déportation (appelée "transfert") des Juifs de Bratislava : 40 à 50 % sont emmenés dans quatre ou cinq petites villes de province de Slovaquie dites "de transfert". Leurs maisons sont confisquées par l'État Slovaque. Les expulsions commencent fin mars 42. Au début il s'agit des hommes et femmes de 16 à 40 ans et célibataires, Wisliceny disait que leurs familles les rejoindraient plus tard. Ils allaient à Zwardo, en bordure de la Pologne, escortés par FS et gardes Hlinka, puis là étaient pris en charge par les SS : trains en convois de 1.000. Les camps existants (Poprac, Jilina, Patronka, Sered) s'avèrent vite insuffisants et de nouveaux sont mis en place.
Arrêté, envoyé à Zilina dont il parvient à revenir, il est destitué de ses fonctions officielles et agit désormais dans l'ombre. En août 44, la population Slovaque se révolte. Tout le pays est occupé par l'armée Allemande et les SS. La chasse aux Juifs est générale, le Centre Juif est fermé, le camp de Sered, détruit lors de la révolte, est remis en service comme camp de concentration et de départ de déportation pour tous les Juifs. Plus tard ce sera Aloïs Brunner qui en prendra le commandement.
Il y avait 95.000 Juifs Slovaques avant-guerre, 20.000 après.

Session 50.
Documents.
Dans un premier temps, le Ministre Slovaque de l'Intérieur souhaite "seulement" mettre en place des ghettos, mais pas de déportations. Il accepte ensuite 20.000 départs. Le gouvernement Slovaque devait payer 500 Marks pour chaque personne (T/1080)
L'UHU, Zentralwirschaftshamt, Office central d'économie, à la tête duquel il y a le Slovaque Moravek est en réalité subordonné à Wisliceny et contrôle le Centre juif (UZ).
T/1089 : après un premier groupe de 20.000 personnes déportées vers Auschwitz et Lublin, un autre groupe de 20.000 est en cours début mai avant la venue d'Eichmann à la fin du mois.
Eichmann dit qu'il n'a eu connaissance du massacre de Lidice qu'après-guerre. Néanmoins, il y a eu la déportation de 88 enfants de Lidice vers Lodz, dont 7 sont "rückdeutschungsfähig". T/1093 : KRUMEY demande ce qu'il doit faire des autres enfants au IVB4.
Bedrich STEINER est né à Nove Mesto nad Vahom en Slovaquie. Il était avocat à Prague jusqu'en 39. Il revient en Slovaquie fin 39 avec l'accord (et un laissez-passer) de la Gestapo. À partir de juin 40, il commence à travailler pour le Centre Juif au service des statistiques. En 42 : près de 58.000 déportés en 57 transports (dont 19 pour Auschwitz, 4 pour Lublin, et 34 dans la région d'Opole). Moins de 300 personnes sont revenues. Après guerre, 150 fosses communes ont été retrouvées. Au total : 71.000 disparus sur 89.000.
Après-guerre il a suivi tous les procès, dont celui de Wisliceny. Il a réalisé un album sur les Juifs Slovaques : T1118.

Session 51
Adolf ROSENBERG, né en Slovaquie où il était propriétaire d'une entreprise de charpente à Nove Mesto nad Vahom qui s'est faite "aryaniser" en 41, mais où il a continué à travailler comme conseiller technique. En novembre 41, il fait partie d'un groupe de 100 personnes envoyées au camp de Novaky pour construire des bâtiments dont on leur dit qu'ils seront les leurs plus tard. Ses compétences étant utilisées, il a pu rester dans son appartement jusqu'en 44. Début septembre 44, il est arrêté par la garde Hlinka et envoyé à Sered. C'est le SS KNOLLMEYER, un Allemand né à Bratislava, d'une vingtaine d'années, qui s'occupe alors du camp. BRUNNER le remplace ensuite avec une autre équipe et les transports commencent quelques jours après son arrivée, le 30 septembre 44. Le 10 octobre, le rabbin Weissmandel et toute sa famille font partie du convoi. Le 17 octobre c'est Gisi Fleischmann.
Documents concernant la Hongrie.
Sont à distinguer une première période jusqu'au 19 mars 44, et la seconde ensuite, quand l'armée Allemande est entrée dans le pays.
T/1138 : document signé par MÜLLER visant à permettre individuellement le départ de Juifs de Slovaquie et de Hollande contre 100.000 Francs Suisses, l'argent devant servir à recruter des volontaires pour la Waffen-SS en Hongrie.
Le 19 mars : rencontre Horty - Hitler.
Pinchas FREUDIGER, né à Budapest. Il travaillait dans l'usine textile de son grand-père au service du gouvernement (vêtements pour l'armée hongroise, ...), grand-père anobli par le roi Franz Joseph. Ce même grand-père était par ailleurs l'un des fondateurs de la Communauté orthodoxe de Budapest qu'il dirigea, puis ce fut son père jusqu'en 39 (date de sa mort) puis lui-même de 39 à 44.
En 39, il y a près d'un demi-million de Juifs en Hongrie. De la fin 38 à 1940, le territoire de la Hongrie a considérablement augmenté et la population, de 8 ou 9 millions, est passée à 12 ou 13. De même, la population juive est passée de 500 à 800 000 personnes.
Le pays avait connu des vagues d'antisémitisme après la première guerre mondiale qui sont ensuite allées décroissantes parce que l'économie était florissante. Peu avant la deuxième guerre mondiale apparaissent pour la première fois en Hongrie des partis antisémites tels le "Réveil hongrois" ou le "Parti pour la défense de la race". À partir de mars 38 (Anschluss) l'antisémitisme entre au gouvernement. Du fait des déplacements de frontières, beaucoup de Juifs sur le nouveau territoire hongrois n'ont pas eu la nationalité : ordre est donné de les déporter. Dans un premier temps c'était surtout théorique et des autorisations de séjour étaient reconduites de six mois en six mois, mais en 41 un leader hongrois (Odon MARTINIDES, avec Arpad KISCH) présente un plan d'expulsion des Juifs, prétendant qu'il s'agissait de démarrer une nouvelle vie en Galicie. 100.000 personnes étaient concernées. En deux à trois semaines, 17.500 personnes y sont déportées ainsi qu'à Kamenets-Podolski (aujourd'hui en Ukraine). Cette dernière est occupée par les troupes Allemandes en juin 41. Fin août, 18.000 personnes y ont été déportées, les 27 et 28 août les Einsatzgruppen s'y livrent à une tuerie. JECKELN inscrit la mort de 23.600 Juifs dans son rapport : c'est le premier meurtre de masse à grande échelle.
Dans un premier temps, à partir de 39, il y a des camps de travail en Hongrie concernant aussi les Juifs de nationalité hongroise. Le discours du Gouvernement hongrois, notamment du Premier Ministre KALAI (qui occupe ce poste de 38 à mars 44), expose que : si des lois antijuives sont promulguées, cela permet de circonvenir le risque d'une explosion antisémite de grande ampleur.
Le 19 mars 44, il reçoit un appel téléphonique lui donnant l'information selon laquelle les Allemands sont entrés en Hongrie. Le lendemain, il est convoqué à une réunion avec d’autres représentants Juifs par les Allemands. Le bureau du Premier Ministre avait donné l'ordre d'obéir aux demandes des Allemands. Le 20 mars au matin il y a donc une quinzaine de représentants de la communauté juive hongroise, et côté Allemand, trois officiers (Wisliceny, Hunsche et Krumey), une personne en civil et un secrétaire. Ils annoncent que désormais ce qui concerne les Juifs Hongrois est sous l'autorité des SS. Ils ajoutent que, pour autant, il n'y a pas lieu de s'inquiéter, même s'il faut prévoir des sacrifices liés à la situation de guerre. Plus tard, les institutions communautaires sont abolies au profit d'une seule qui devra être leur interlocuteur unique et qu'ils ont appelée "Comité central". Il sera composé de sept personnes avec Hofrat STERN à leur tête, lui était l'un des sept.

La déposition se poursuit sur la session 52 : voir en volume trois.

[Page mise en ligne en août 2009]