crématoire K I chambre à gaz Auschwitz Stammlager

Le K I, aussi appelé crématoire I ou "vieux crématoire" (en référence aux quatre qui seront construits à Auschwitz Birkenau en 43) sera utilisé du 15 août 40 à la fin juillet 43.

Rudolf Höss est officiellement nommé commandant du camp le 4 mai 1940. Les premiers groupes de prisonniers sont transférés depuis des camps en Allemagne au cours du même mois. Ce sont donc d’abord des Allemands, prisonniers de droit commun. Ils constitueront la première équipe d’encadrement (prisonniers de fonction). Le 14 juin 40 arrive un convoi de 728 prisonniers Polonais. Leurs attributions seront de mettre en place le camp (aménagements et agrandissement) à partir des bâtiments existant de l’ancienne caserne polonaise. [Pour des informations d’ordre général sur Auschwitz 1, cliquer ici pour voir la page spécifique.]


Le crématoire sera commandé d’emblée. Pour autant, aucune extermination systématique n’était alors mise en place. Le rôle attribué par les SS à ce crématoire était de faire disparaître les corps des prisonniers lorsqu’ils les tuaient (en les abattant ou en conséquence des mauvais traitements subis). Il s'agissait donc vraiment d'un crématoire au sens strict. Cette modalité permettait ainsi au camp de fonctionner en vase clos, et de n’avoir pas de compte à rendre sur le nombre et les raisons des décès, ce qui aurait pu être le cas si les corps avaient été amenés au cimetière de la ville (ce qui s’est produit dans les premiers temps de l’existence du camp de Dachau).

Voici un plan du K I par la firme Topf und Söhne [qui installera les fours] (source : Archives d'Auschwitz) :

plan crématoire K I Auschwitz Stammlager archives
: Entrée, vestibule.
2  : Pièce pour les vêtements des victimes.
3  : "Waschraum" pièce appelée salle de lavage (des corps).
4  : "Leichenhalle" salle des cadavres ou morgue.
Les corps y étaient entreposés en attente de leur crémation. Les fusillades (procédé utilisé par les SS pour l'assassinat des groupes de prisonniers peu importants en nombre) eurent souvent lieu également dans cette pièce. A partir de l’hiver 41 / du début 42 ce fut la chambre à gaz.
5  : "Ofenraum" : la salle des fours avec les trois fours bimoufles(= à 2 foyers).
Les corps étaient déplacés à l’aide d’un chariot sur rails jusqu’à la plaque ronde pouvant tourner dans toutes les directions que les prisonniers appelaient "la szajba". De là, partaient des rails plus étroits sur lesquels se déplaçait une autre sorte de chariot métallique (un exemplaire en est encore visible aujourd’hui dans cette même pièce) servant à amener les corps vers l’un ou l’autre des foyers des fours et à les y pousser.
6  : A l’origine, un petit bureau (une "Schreibstube", qui fut supprimée ensuite) et l’entrepôt de coke. Les prisonniers rattachés au crématoire y étaient enfermés lors des exécutions (témoignage A. Fajnzylberg).
7  : La "salle des urnes".
En effet, les cendres récupérées dans la salle des fours étaient réparties au hasard dans des urnes, fermées ensuite avec des couvercles de tôle sur lesquels seraient inscrits les noms, date de naissance et de mort de prisonniers. En fait, le service politique du camp donnait des listes avec ces noms et informations. Il s’agissait de prisonniers non Juifs dont les familles avaient été prévenues du décès de leur proche. Les SS leur proposaient alors, contre espèces sonnantes et trébuchantes, l’envoi des cendres. Cette pièce était remplie de centaines de telles urnes en attente comme en témoignera notamment Filip Müller, survivant du Sonderkommando.
Pelagia Lewinska, prisonnière n°32.292, arrivée à Auschwitz en janvier 43 se souvient aussi, dans ses mémoires parues en 1945, que "il y avait des familles qui acceptaient cette offre de la Gestapo et donnaient leurs derniers sous pour reprendre les chères reliques des mains des barbares".
8  : La cheminée (qui sera démolie et reconstruite en 42 parce qu’elle ne résiste pas et se fissure dangereusement).
[Pour toutes les informations concernant les travaux des différents crématoires, voir les ouvrages de J.C. Pressac, très détaillés, fondés notamment sur l’étude des Archives de la "Bauleitung", le service des constructions.]

 

La construction du K I sera achevée durant l’été 40 et la première utilisation du premier four bi-moufle est datée du 15 août (installation du deuxième four en février 41, et du troisième four en mai 42). A cette époque, le Sonderkommando n’existait pas en tant que tel. Les prisonniers affectés aux travaux concernant les corps étaient le "Leichenträgerkommando" (commando de porteurs de cadavres) qui devait prendre en charge chaque soir les morts de la journée pour les amener au K I, et le "Krematoriumskommando" qui devait assurer leur incinération. Les deux seuls survivants ayant fait partie de ce commando en 1942, Filip Müller et Alter Fajnzylberg, font état (dans leurs témoignages, en 1945) de commandos d’une dizaine de prisonniers à cette époque. A son affectation dans ce même commando en janvier 43, Henryk Tauber confirme que ce nombre était toujours identique.

Les premiers "gazages de masse" au K I commencèrent début 1942, après l’expérimentation du Zyklon B dans le sous-sol du Block 11 fin 41, alors que la décision de "la solution finale" (l’extermination des Juifs d’Europe) avait été prise en haut lieu et le commandant Rudolf Höß averti du fait qu’il devait organiser son camp afin d’en assurer la mise en place concrète.

Les déportés arrivent en général en train, entassés dans des wagons de marchandises, sans eau et sans nourriture. Ils sont le plus souvent en famille, hagards, épuisés et terrorisés. Ils doivent marcher jusqu’au camp dans l’incompréhension et l’appréhension les plus totales face à ce qui leur arrive. Dans un premier temps, ils sont directement menés dans la chambre à gaz du K I. Un SS en ferme la porte étanche, puis d’autres montent sur le toit plat du bâtiment pour verser les granulés de gaz Zyklon par les ouvertures pratiquées à cet effet dans le plafond de la chambre à gaz. Des camions sont sur place, leur seul but étant de faire tourner les moteurs à plein régime afin de couvrir les cris des victimes parce que le K I jouxte le camp…

 

crématoire K I Auschwitz Stammlager chambre à gaz extérieur

Le K I tel qu'il est actuellement – Archives personnelles (2004).

Les 17 et 18 juillet 42, Himmler vient à Auschwitz voir la progression des travaux pour l’entreprise IG Farben (chantier de la Buna à Monowitz) et la mise en place de son ordre d’extermination. Il assiste ainsi à Birkenau à la sélection (entre "aptes" à travailler et "inaptes" : femmes, enfants, personnes âgées) d’un convoi de Juifs de Hollande, puis à leur gazage, vraisemblablement au Bunker 2. Le deuxième jour, il visite le camp souche. Au K I il voit les trois fours bi-moufles et la nouvelle cheminée en construction (achevée le 08 août). Avisant un tas de vêtements épars, il demande de quoi il s’agit : ce sont ceux des dernières victimes de la chambre à gaz du K I, récupérés sur les cadavres. Ces vêtements sont abîmés, salis… le Reichsführer s’emporte et exige que, désormais, les victimes se déshabillent elles-mêmes avant leur assassinat afin que le plus grand soin soit apporté à leurs effets qui, ensuite, sont envoyés vers l’Allemagne. C’est donc la procédure qui sera mise en place à partir de là. Devant l’évidente réticence des déportés Juifs à se déshabiller dans la cour fermée du K I (ou dans l’une des premières pièces de l’entrée si les groupes étaient plus petits), une nouvelle stratégie perverse sera mise en place, un rapide discours leur sera tenu par un officier SS, à la fois destiné à convaincre et à gagner du temps : on leur dit qu'il s’agit de prendre une douche désinfectante et de faire au plus vite parce qu’une soupe chaude les attend ensuite, qui risque de refroidir plus ils tarderont...

Après la construction de la nouvelle cheminée et la mise en place du 3è four au printemps 42, le crématoire fonctionne à nouveau à plein régime (après trois mois d’interruption durant lesquels les corps seront enterrés dans des fosses communes à proximité de Birkenau). C’est alors en particulier l’incinération des corps des victimes de la redoutable épidémie de typhus qui sévit dans le camp. A nouveau, cette utilisation intensive du K I cause des dommages à la cheminée.

L’ingénieur K. Prüfer de l’entreprise Topf est convoqué à Auschwitz où il se rend le 18 août. Le 19 ce sont trois crématoires qui sont commandés en plus du K II dont les travaux ont déjà commencé. Les prévisions sont les suivantes : un K III identique au K II et construit à proximité et en miroir (qui sera effectivement réalisé ainsi). Un K IV et un K V respectivement proches des Bunkers 2 et 1 [pages spécifiques Bunker 1 et Bunker 2 ici]. Ces K IV et V sont alors prévus pour la crémation des corps sortis des chambres à gaz que sont les Bunkers, nous verrons que ce projet sera finalement modifié.

Le 03 décembre 42, les 380 prisonniers membres du Sonderkommando de Birkenau sont gazés. Leur crémation a lieu dans les fours du K I. (Pour la chronologie des principales étapes concernant les membres des Sonderkommandos, cliquer ici).

Le 4 mars 43 les 12 prisonniers Juifs et les 5 prisonniers Polonais du Sonderkommando du K I sont transférés à Birkenau où les quatre nouveaux crématoires vont entrer en service. En juillet de la même année l’activité du K I est définitivement suspendue. Il sera par la suite modifié et utilisé comme abri anti-aérien. Après guerre, il sera de nouveau modifié pour tenter de le remettre tel qu'il était durant son fonctionnement en tant que lieu de gazage et de crémation. Faute de témoignages suffisants, tout ne sera pas rigoureusement reproduit à l'identique (du type : un mur légèrement décalé). Ces éléments ne présentent aucune importance sur le fond, mais les négationnistes s'en empareront pour appuyer leurs thèses.

 

[Mise en ligne de cette page : septembre 2008]