Kristallnacht - Nuit de cristalComme je le disais dans mon post sur le blog du site le 11 novembre 2007 ; la veille, le samedi 10, un mouvement néo-nazi avait prévu une manifestation dans le quartier Juif de Prague. Ils étaient quelques centaines qui entendaient ainsi célébrer le jour anniversaire de la «Nuit de Cristal». Face à cette provocation, une contre-manifestation s’est mise en place et a défilé, avec étoiles jaunes ou drapeaux rouges, dans un pays qui n’est pas coutumier de la défense de ses points de vue dans la rue.
Il m’a semblé dans ce contexte qu’une rapide page informative sur la "Kristallnacht" et sur l’un de ses acteurs essentiels (Reinhard Heydrich) pouvait avoir sa place sur ce site.


Reinhard Heydrich, courte biographie.

-
Il est né le 07 mars 1904 à Halle, près de Leipzig dans une famille dévouée à la musique (père chanteur d’opéra, mère pianiste). Hélas il ne suivra pas la trace familiale. Il aura quatre enfants, nés en 33, 34, 39 et 42.
- En 1931 il entre à la SS et Himmler lui confie la création d’un service de sécurité pour le parti nazi : ce sera le SD (Sicherheitsdienst). En juillet 32 il en deviendra officiellement le chef.
- En 1934, les deux comparses organisent la "Nuit des longs couteaux".
- Le 10 novembre 38, Heydrich donne dans un courrier ses informations et exigences quant à la mise en place de la Nuit de Cristal (paragraphe spécifique ci-dessous).
- Après l’invasion de la Pologne (1er septembre 39) Heydrich devient officiellement le bras droit de Himmler au RHSA, le Service central de la sécurité du Reich (Reichsicherheitshauptamt).
- Il forme ensuite les Einsatzgruppen (première formule des assassinats de masse ou "groupes de tueries mobiles", que l’on appelle désormais "la Shoah par balles").
- En septembre 41 il s’installe à Prague et met en place le ghetto de Terezín (Theresienstadt).
- En janvier 42 il organise la Conférence de Wannsee où, le 20 janvier, on évoque la "solution finale".
- En mai 42, Heydrich vient installer le SS Oberg dans ses fonctions (chef des SS et de la police en France) à Paris. Il rencontre à cette occasion Bousquet et Darquier de Pellepoix.
- Le 27 mai 42 Reinhard Heydrich est victime d’un attentat causé par un groupe de Résistants Tchèques mené par Josef Valcik. Il en mourra quelques jours plus tard. En guise de représailles, le village de Lidice, soupçonné d’avoir aidé les Résistants, sera rayé de la carte (tous les hommes de plus de 16 ans seront exécutés sur place, les femmes envoyées à Ravensbrück et les enfants au ghetto de Lodz puis à Chelmno. Le village sera incendié et rasé). Au total, 1800 civils seront assassinés en représailles.
- L ’extermination des Juifs du "Gouvernement Général" (Pologne orientale) dans les camps de Bełżec, Sobibór et Treblinka, est appelée "Aktion Reinhard" en hommage à Heydrich.
- Les SS qui eurent à connaître personnellement Heydrich de près le décrivent comme colérique, ambitieux, cruel et ignorant toute compassion. De même, au procès de Nüremberg, E. Kaltenbrunner (qui a succédé à Heydrich à la direction de la SD) dit de lui "son désir de pouvoir était sans mesure".


La Nuit de Cristal.


On appelle Nuit de Cristal celle où les services de police du Reich ont saccagé, pillé et incendié plus de sept mille magasins appartenant à des familles Juives ainsi que des synagogues, après quoi ces populations ont été arrêtées et déportées (le chiffre de 30.000 déportations est confirmé par l'historien Philippe Burrin). Ces exactions ont été particulièrement massives à Berlin et Vienne ainsi que dans les Sudètes où les communautés Juives étaient importantes.
Dans son Journal à la date du 09 novembre 38 (jour anniversaire du putsch manqué de 1923), Goebbels annonce que ce véritable pogrom d'Etat appelé par les Nazis "Nuit de Cristal" lui a été ordonné par Hitler. Il écrit que les SS et les SA devront être vêtus en civil de telle sorte qu'ils puissent passer pour des "Allemands ordinaires".
Le 10 novembre 38, Heydrich, chef de la police de sécurité et de la SD (der Chef der Sicherheitspolizei und des SD), adresse un courrier urgent à toutes les polices de l’Etat (an die Staatspolizeileitstellen und Staatspolizeistellen) pour l’organisation des "mesures contre les Juifs cette nuit même" (Maßnahmen gegen Juden in der heutigen Nacht).  [Texte de la lettre en anglais ]
Il y précise que les différentes instances doivent prévenir toutes les autorités compétentes à réception du présent  télégramme et veiller à ce que les mesures prises n’endommagent pas les personnes ni les biens des Allemands, en donnant cyniquement comme explication "par exemple on ne pourra brûler une synagogue que si cela ne présente pas de danger pour les environs" (z.B. Synagogenbrände nur, wenn keine Brandgefahr für die Umgebung vorhanden ist) et en insistant plus loin sur le fait que dans les rues marchandes, les magasins n’appartenant pas à des Juifs doivent être bien protégés. Il y expose que les magasins et appartements des Juifs devront être détruits (mais non pillés) et que les Juifs doivent être ensuite arrêtés et envoyés en camps de concentration (Nach Durchführung der Festnahme ist unverzüglich mit den zuständigen Konzentrationslagern […] aufzunehmen.)


Après la Kristallnacht, les autorités Allemandes diront qu’elle fut le fait d’une explosion spontanée de la colère populaire. La responsabilité en est alors attribuée… aux Juifs eux-mêmes ! Outre l’évident intérêt du Reich du point de vue de la propagande, se conjugue un intérêt financier non négligeable : les montants des assurances seront confisqués et viendront enrichir les caisses du Reich.

 

 

[Mise en ligne de cette page le 16 novembre 2007]