Avertissements préliminaires
Cette page ne prétend pas à l’exhaustivité (l’ensemble du procès d'Eichmann = neuf volumes). Il s’agit d'un résumé des notes que j’ai prises au fur et à mesure de ma lecture. Elles sont très partielles : j’ai retenu ce qui est susceptible de m’être utile dans mes recherches, pas forcément tout ce qui pourrait être considéré comme essentiel, ni certaines des informations qui me sont connues par ailleurs.
Ces notes vont sans doute paraître extrêmement froides et distanciées et, en cela, ne reflètent pas l’intensité des témoignages, mais à l’inverse privilégient l’aspect informatif à l’aspect humain. Vous y trouverez en revanche l’indication de l’intégralité des témoins ayant déposé devant la cour (mais seulement l’évocation de quelques documents parmi les très nombreuses pièces du dossier). Enfin, certains éléments biographiques concernant des SS et leur devenir sont ajoutés par moi et non pas indiqués au moment du procès.
Lorsque j’ai pris ces notes je ne pensais pas les faire figurer sur le site, ce n’est que plus tard que j’ai finalement pensé que cela pourrait intéresser certains d’entre vous d'en établir ce résumé.
VOLUME 1
(Du 11 avril au 08 mai 1961, session 1 à 30)
Session 9
Naphtali BAR-SHALOM, officier de police qui s’est occupé des documents du procès.
Avner LESS, commissaire de police chargé de l’interrogatoire préliminaire.
Session 12
Salo BARON, historien.
Session 14
Zyndel Shmuel GRYNSZPAN, né en 1886 à Radomsko, Pologne. Venu en Allemagne (Hanovre) en 1911. Il avait huit enfants dont quatre fils parmi lesquels Herschel Feidel Grynszpan qui, vivant à Paris où il est venu en mai 36, a assassiné Ernst vom Rath, secrétaire de l'ambassade d'Allemagne à Paris, en 1938. Ce fut le prétexte à des représailles d’envergure contre les Juifs qui aboutiront, trois jours plus tard, à la "Nuit de cristal".
Mordechaï GRYNSZPAN, frère de Herschel.
Benno COHN, né dans la région de Posen en 1894. A vécu à Berlin à partir de 1922. Avocat. Son témoignage évoque les années 33 à 39, les départs vers la Palestine, la "Nuit de cristal".
Session 15
Aharon LINDENSTRAUSS né en 1904 à Berlin. Avocat. Quitte l’Allemagne le 1er mars 39 pour la Palestine. Evoque son passage à Vienne (où il a vu Eichmann) avant son départ.
Session 16
Document
Manuscrit de D. Wisliceny daté du 26 octobre 46 intitulé "Zelle 133". Evoque le Plan Madagascar et écrit "à partir de 1942 [il commença] l’extermination organisée aux camps de Lublin et Auschwitz et l’extension des déportations sur toute l’Europe. Comme Eichmann lui-même me le confirma en 44 en Hongrie, ce plan a été conçu par lui et Globocnik […] qui l’avaient suggéré à Himmler. Cet ordre a été donné personnellement par Hitler […] Eichmann allait fréquemment voir Himmler après 40 et davantage encore après 42. A part avec Globocnik à Lublin, il était particulièrement proche de Höß le Commandant d’Auschwitz, et du Brigadeführer Glücks."
Moritz FLEISCHMANN né à Vienne en 1889. Parti en août 39 pour l’Angleterre. Evoque l’arrivée des nazis à Vienne.
Session 17
Franz Eliezer MEYER né à Breslau, Allemagne. Evoque Eichmann en 36 ou 37. A vu à Beuthen [Bytom] l’expulsion des Juifs Polonais et la "Nuit de cristal" à Berlin.
Session 18
Documents
T/103 de Müller sur l’administration des camps
T/113 : lettre de Heydrich à Göring le 18 novembre 38 : rapport sur la "Nuit de cristal".
Session 19
David Paul MERETZ, juriste (universités de Vienne et Prague). Etait avocat à Maehrisch-Ostrau (Ostrava, Tchécoslovaquie) jusqu’au 14 mars 39, date à laquelle les nazis ont envahi la ville. Il est alors allé à Prague. Évoque l'établissement du Centre d'immigration juive. Quitte Prague le 15 novembre 39 vers la Palestine.
Walli Malka ZIMET vivait à Prague en 39 et travaillait comme dactylo dans un centre destiné à aider à l'émigration (HIAS) qui ferme à l'arrivée des Allemands. Ceux-ci ouvrent et gèrent donc le "Zentralstelle für Judische Auswanderung" à Stresovice où Eichmann venait parfois. Elle a été déportée en 43 à Theresienstadt et en octobre 44 Auschwitz.
Max BURGER, né à Moravska Ostrava qu'il quitte en 39 quand les Allemands arrivent. Il fera partie des mille Juifs envoyés à Nisko où viendra Eichmann. Ils sont censés se construire des bâtiments. Plus tard arrivent 1000 Juifs de Vienne. À la mi-avril 40 ils sont renvoyés à Moravska Ostrava. En septembre 42 il sera déporté à Theresienstadt et en octobre 44 à Auschwitz.
Session 20
Ya’akov Hugo KRATKY, était médecin à Moravska Ostrava. Faisait également partie des 1000 personnes du "plan Nisko".
Ada Ethel LICHTMAN a vécu à Cracovie et Wielicza avant guerre. Témoigne de l'arrivée en septembre 39 d'hommes en uniforme vert (alors que les Juifs -hommes adultes- sont déjà victimes de persécutions et humiliations) qui se livrent à des meurtres. Elle s'enfuit à Cracovie où est constitué le ghetto et témoigne des atrocités qu’elle a vues. Ce témoin sera rappelé à propos de Sobibor.
Session 21
Hirsch Zvi PACHTER était à Hrubieszow en Pologne en 39 (50 km de Chelm, 120 de Lublin). Le 1er décembre est annoncé que le lendemain matin tous les hommes de 15 à 60 ans doivent se regrouper sur la place du marché aux bestiaux. Ils partent pour une marche. Après des sélections, des hommes abattus sur place, d'autres qui les rejoignent, une séparation en deux sous-groupes, ils arrivent aux limites du territoire du Gouvernement général et de la Russie soviétique. Les Allemands les obligent à traverser le Bug qui fait frontière.
Ya’acov GURFEIN vivait à Sanok en Pologne (région de Przemysl). En été 42 on leur fait construire un camp, Zaslav, où sont envoyés tous les Juifs de Sanok et des environs : 13.000 personnes. En décembre il ne reste que 1.300 personnes qui sont déportées en janvier 43. Voyant que le train part vers Belzec, il tente l'évasion, comme d'autres, bien qu'ils entendent les tirs des SS. Il parviendra, à l'issue d'un long périple, à gagner la Palestine.
Noah ZABLUDOWICZ né en 19 à Ciechanow ("Zichenau"). Il passait des courriers entre les ghettos. Il témoigne de la déportation générale des 6.000 Juifs de la ville vers Auschwitz en 42. À sa connaissance ont survécu 10 femmes et 72 hommes.
Moshe BEISKY, né en 1921, est magistrat. Il vivait à Cracovie en 39. Quand le ghetto se met en place, il part chez ses parents à 80 km de là (Dzialoszyce) jusqu'en septembre 42. La population juive de la ville est alors rassemblée et sélectionnée soit pour Belzec soit pour un camp près de Cracovie (Prokocim) puis pour Plaszow en janvier 43. Le ghetto de Cracovie est liquidé le 13 mars 43, il y avait alors plus de 60 000 personnes dont 8 à 10.000 ont été conduites à Plaszow. Il témoigne des conditions de survie dans ce camp.
À son témoignage, il ajoute une réflexion sur les raisons pour lesquelles il pense qu'il n'y a pas eu (qu'il ne pouvait y avoir) de révolte générale même si les prisonniers juifs étaient des milliers face à quelques centaines de SS. Il commence par expliquer que la terreur dans laquelle ils vivaient est indicible. En outre, cela faisait déjà trois ans que durait la guerre (ce qu'il faut entendre à la fois comme "3 ans d'horreurs et d'épuisement" mais aussi comme expression de l'espoir que "cela va bien finir un jour" au sens de "ce jour est peut-être imminent"). Il ajoute que le fait d’être obligés de travailler pour les Allemands leur laissait à penser qu'ils étaient nécessaires, ce que les Allemands leur faisaient croire également. Il fait remarquer qu'il n'y avait pas d'endroit où fuir, toute la Pologne étant sous la botte nazie, sans parler de leur "coupe Straße" et de leurs vêtements qui les auraient désignés comme évadés. Une évasion signifiait aussi laisser derrière soi des membres de sa famille et savoir que des dizaines de personnes seraient tuées en guise de représailles. Il fait enfin remarquer qu'ils ignoraient où étaient les membres de leur famille qui n'étaient pas en leur compagnie et s'ils étaient vivants ou morts.
Session 22
Leon Weliczker WELLS, ingénieur en mécanique et physique, est né près de Lvov en 1925. Dans cette ville que l'armée allemande occupe le 30 juin 41, vivaient environ 150.000 Juifs sur une population de 420.000 habitants. Il est le seul survivant des 76 membres de sa famille. Il témoigne du camp de Jankowska en 42. Le 15 juin 43, 40 personnes sont sélectionnées, prétendument pour construction de routes. Ils feront partie d'un commando spécial "1005". Il explique comment fonctionnait une brigade de ce commando. Il tenait un journal qu'il gardait constamment sur lui et qui a été publié après-guerre (pièce T/214).
Session 23
Henryk ROSS, journaliste et photographe, né en 1910. En 39 il est à Lodz. Le ghetto y est mis en place en 40. En mai il est officiellement fermé, 203 000 Juifs y sont enregistrés. D'autres arriveront de la région puis de l'étranger. H. Ross était officiellement photographe, au ghetto, et prenait également des photos "interdites" dont il a caché les négatifs en juillet 44 et retrouvé la plus grande partie après-guerre. Certaines de ses photos lui sont montrées au moment du procès, il les contextualise et témoigne du quotidien du ghetto.
Session 24
Documents
Pièce T/235 photos d'un départ de Lodz pour Auschwitz.
Pièce T/249 lettre de Greiser indiquant que le ghettode Lodz ne sera pas transformé en camp de concentration mais qu'il faut en réduire le nombre d'habitants au minimum nécessaire pour les usines d'armement.
Esther SILOH, née en 1925, vivait à Lodz quand la guerre a été déclarée. Elle avait 14 ans. Elle a été transférée au ghetto à son ouverture, en 40, avec ses parents et ses deux frères. Elle a été déportée à Auschwitz en 44.
Josef BUZMINSKY, médecin. Etait à Przemyśl en 39. À l'automne 41 : ordre que tous les Juifs aillent dans le ghetto sous peine de mort. Témoigne de la vie au ghetto de Łódź et des déportations pour Bełżec.
Israël CARMEL, magistrat. A été Consul d’Israël en Pologne. A mené des recherches sur Hans Frank et son journal (38 volumes !) qui évoque toutes les activités du Gouvernement général auxquelles il participait, d’octobre 39 à mai 45. Il en lit des extraits.
Session 25
Zivia LUBETKIN-ZUCKERMAN, née à Bytom, évoque le ghetto de Varsovie et la révolte. La communauté juive à Varsovie avant guerre était estimée à 350 000 personnes. Le jour du Grand Pardon en 1940 est déclarée la constitution d’un "quartier Juif". Ce ghetto est bouclé en novembre avec des gardes Allemands et Polonais aux portes. Environ 100 000 autres personnes des environs sont envoyées au ghetto en quelques jours dans des conditions s'apparentant à des marches de la mort. Fin 41 l'organisation de résistance apprend les exterminations à Ponar, début 42 celles de Chelmno, mais comment croire à une volonté d’extermination totale ? En juillet 42 commence la liquidation du ghetto qui est annoncée comme "Aussiedlung nach dem Osten". 70 à 100 000 personnes partent… pour Treblinka. Evoque la "Kessel Aktion" de septembre 42 qui a duré une semaine et l'opération de janvier 43 dont va témoigner son mari. Le 18 avril 43 est le premier jour du combat, de la révolte du ghetto.
Yitzhak ZUCKERMAN, son mari, était donc à Varsovie en 40. Avec son groupe, il essaie de faire fuir des Juifs vers la Palestine. Il évoque les divers groupes et ses propres activités ainsi que la NST, organisation fasciste de Pologne qui travaillait avec les Allemands. Il évoque janvier 43 où, sur l’Umschlagplatz, des membres de la résistance juive (avec Mordechaï Anilewicz) déclenchent une attaque.
Session 26
Rahel Eiga AUERBACH a étudié l’histoire et la philosophie à l’Université de Lvov. Elle était à Varsovie pendant la guerre où elle est arrivée en 33 (livre Les Rues de Varsovie 1940-1943). Elle travaille aujourd’hui pour Yad Vashem. Elle évoque la vie juive de l'époque. Au ghetto elle était proche de Ringelblum. En 42 elle a recueilli le témoignage d'un homme qui avait passé 18 jours à Treblinka, cet écrit a été transmis à E. Ringelblum et retrouvé en 46. Elle a recueilli ensuite des témoignages avec le Comité historique juif qui travaillait avec la Commission d'investigation polonaise.
Adolf Avraham BERMAN, titulaire d'un doctorat en psychologie, était l'un des médecins d'un établissement pour enfants juifs à Varsovie. Au ghetto, il faisait partie d'un groupe essayant de mettre en place un service d'aide pour ces enfants. Il évoque des enfants, quelques milliers, sauvés par des Polonais et des organisations catholiques, par des transferts clandestins du côté aryen.
Baruch DUVDEVANI travaillait au département immigration de l'Agence juive. Après guerre il a sauvé les sermons du rabbin Shapiro (mort à Trawniki) cachés dans les ruines de Varsovie. Il en lit des extraits.
Rvka KUPER était l’épouse d’Adolf Dolek LIEBESKIND, leader de la résistance à Cracovie. Elle évoque la mise en place du ghetto de Cracovie en mars 41 (qui se trouvait à Podgorze) et la vie religieuse. Des rumeurs sur Belzec sont arrivées jusqu'au ghetto de Cracovie, des liens étaient établis avec le ghetto de Varsovie. Rappelle pour mémoire qu’à la prison Montelupi, Gusta Dawidson-Draenger a écrit un témoignage sur le ghetto qui a été retrouvé et publié (pièce T/259). Elle a été déportée à Birkenau le 18 janvier 43 où elle a été envoyée au Strafkommando.
Hela Betsheva RUFEISEN, née en 1920, assurait le contact entre les ghettos de Cracovie et Varsovie. Elle est allée nouer des contacts également avec le ghetto de Lvov. Elle passait des armes et de faux papiers. Elle a participé à la révolte puis rejoint le côté aryen par les égouts.
Documents
Pièce T/263 qui donne les noms des officiers du Gouvernement général dont Otto Moll dans la liste B.
T/273 et 274 ordre donné par Himmler à J. Stroop, commandant de la Waffen-SS, pour la destruction du ghetto de Varsovie.
Session 27
Frida MASIA vivait à Sosnowiec, en Silésie (50 km d’Auschwitz), au déclanchement de la guerre, où la population juive était de 30.000 personnes. Elle pense que 200 ont survécu. Elle était infirmière. Elle participait à une organisation résistante qui a permis le départ d'hommes et de femmes juifs vers l'Allemagne et l’Autriche en tant que travailleurs Polonais (non Juifs). A la fin du mois de septembre 42 elle essaie d'établir des liens avec la résistance d’Auschwitz mais n’y parvient pas.
Meir Mark DWORZECKI, médecin. Durant la guerre il était à Vilna, que les Allemands ont occupée le 24 juin 41. Il y avait alors 80 000 Juifs à Vilna. Il pense que 40 000 d'entre eux ont été exterminés à Ponar. Immédiatement après l'arrivée des Allemands, les Juifs commencent à "disparaître" (fosses de Ponar) mais il n'arrive pas à y croire jusqu'à ce qu'une survivante arrive chez lui et lui raconte. Son témoignage détaille les différents certificats donnés au ghetto (voir pièces T/276. 277. 278) et explique les règles en vigueur au quotidien dans ce ghetto, la solidarité, la lutte contre la faim,... Dès la troisième nuit au ghetto a lieu la première réunion d'un groupe de résistance. Il raconte "l’opération Kovno" : les Allemands annoncent qu'ils vont emmener 5.000 Juifs du ghetto de Vilna à celui de Kovno (dont la rumeur disait que les conditions y étaient bien meilleures)… ces 5.000 personnes seront tuées à Ponar. Lui-même, à la liquidation du ghetto, a été déporté de camp en camp depuis l'Estonie en septembre 43 jusqu'à Dachau et son évasion en mars 45.
Abba KOVNER, écrivain. Il est entré à Vilna le 13 juillet 44 avec un groupe de partisans (Fareinikte Partizanen Organizatzie). Il évoque les "Ypatingi", Lituaniens organisés en formation paramilitaire au service des Einsatzgruppen, l'action du 31 août 41 où 10 000 personnes sont menées à Ponar, les certificats du ghetto (T/281 à T/287), des témoignages sur Ponar (T/288), l'appel à la révolte du premier janvier 42 (T/289), la mémoire de Anton Schmid, officier allemand qui les aide et sera pour cela arrêté par la Gestapo et exécuté en mars 42, et celle de Itzik Wittenberg, 1er commandant de la résistance combattante.
Session 28
Avraham KARASIK, serrurier. Vivait à Białystok (qui ne faisait pas partie du Gouvernement général), occupée dès le 27 juin 41. Les arrestations sont immédiates et le ghetto est mis en place une semaine après. Il y avait alors entre 45 et 60 000 Juifs à Białystok. En été 43, seuls 700 hommes sont encore en vie. En mai 44, le témoin fera partie d'un groupe de 40 hommes transférés à Augustov qui formeront un commando 1005. Le 13 juillet 44, ils tentent une évasion, pour lui elle sera réussie, bien qu'il ait été touché par les balles des gardes SS à plusieurs reprises. Il rejoint l'Union Soviétique, s'engage dans leur armée qu'il quittera fin 45 pour émigrer en Palestine.
Documents
Pièce T/292 texte sur les transports d'Auschwitz signé Müller du 16 décembre 42.
Pièce T/293 sur la liquidation du ghetto par le SS Friedel, écrit depuis sa prison à Białystok en 49.
Pièce T/294 compte-rendu de rendez-vous à Prague le 10 octobre 41 où était notamment présents Heydrich, Eichmann et Günther, concernant les 5000 Juifs de Prague que Eichmann envoie à Nebe et Rasch (les SS des Einsatzgruppen B et C…).
Aharon PERETZ, gynécologue. Témoigne sur le ghetto de Kovno (Kaunas) et particulièrement sur la situation des femmes et des enfants. Les Allemands entrent à Kovno le 24 août 41, il y a alors plus de 40 000 Juifs dans cette ville. Les meurtres de masse aux différents Forts commencent immédiatement. En particulier, il voit passer des Juifs de toute l'Europe qui sont conduits au 9ème Fort. Confirme l’appellation de "Malines" pour les cachettes secrètes conçues à l'intérieur du ghetto, ce que d'autres témoins ont déjà dit pour d'autres ghettos. Lors de la liquidation du ghetto, les Allemands jettent des explosifs dans ces cachettes. Oshry, qui en sortira vivant, écrira plus tard son témoignage.
Documents
Pièce T/295 rapport d’Einsatzkommando qui évoque 7.800 Juifs de Grodno mais dit "weitere Massenerschiessungen sind nicht mehr möglich".
Session 29
Eliezer KARSTADT, industriel né en Lettonie en 1914. Il était à Riga de 41 à août 44 (puis Stutthof puis Buchenwald). Les Allemands ont occupé Riga à partir du 1er juillet 41. 40.000 Juifs y vivaient alors. Les arrestations et les tueries commencent immédiatement. Le ghetto est mis en place le 23 octobre 41. Il restait alors 32 000 Juifs. Ce ghetto n'a existé qu'un mois. Un petit ghetto séparé a été installé pour ceux qui travaillaient en tant qu'artisans et un autre pour les Juifs déportés d'Allemagne. Les Lettons qui prêtaient main-forte aux Allemands étaient appelés "Perkonkruzt" (= Donnerkreuz). Beaucoup de transports arrivaient à Riga mais seuls deux ou trois personnes sur un transport de 1000 entraient au ghetto, les autres étaient abattus. Un mouvement de résistance va se mettre en place. En octobre 43, c'est la liquidation du ghetto, 3.000 Juifs au moins sont envoyés à Auschwitz. Certains ont aussi été envoyés dans des "Kommandos 1005" mais aucun n’en est revenu. Sur 100 000 Juifs Lettons, seules 800 personnes ont survécu.
Avraham AVIEL, né à Dowgaliszuk près de Raduń, Pologne, district de Lida, entre Grodno et Vilna (aujourd'hui en Biélorussie). Lorsque les Allemands arrivent à l'automne 41, il est transféré au ghetto de Raduń. Il sera témoin des exterminations par les Einsatzgruppen. Seuls les 90 à 100 Juifs du ghetto qui ont été employés à creuser les fosses reviendront dans le ghetto désormais désert. Il s'enfuira avec son frère, trouvera des partisans en forêt à l'automne 42. Les gens de la région les aidaient (nourriture, vêtements,...) mais avaient en général trop peur pour les loger, car lorsqu'ils étaient découverts, la maison était brûlée avec tous ses habitants à l'intérieur.
Haïm BEHRENDT, né à Berlin en 19. Il témoigne des déportations de Berlin vers Lodz en 39 et, en ce qui le concerne, des modalités et conditions des déportations vers Minsk. Fin octobre 41, il reçoit une lettre demandant une liste de leurs biens. Dix jours plus tard, ils reçoivent l'ordre de donner leurs clés à la police et de se rendre à la synagogue avec 15 kilos de bagages au maximum. Leurs papiers d'identité leur seront rendus avant le départ avec un tampon mentionnant "evakuiert nach Minsk". A Minsk, il y a deux ghettos, l'un est réservé aux Juifs Allemands, ils y sont environ 7.500 personnes, l'autre est réservé aux Juifs Russes, on leur dit qu'il regroupe 90.000 personnes. Un jour, un grand nombre de SS a tué sur place, dans le ghetto même, 30 000 Juifs. À partir de l'automne 43 il a été déplacé dans divers camps.
Session 30
Liona NEUMANN, née à Vienne où elle a vécu jusqu’au début 42. Elle témoigne de sa déportation vers Riga et du fait qu'une première sélection eut lieu dès leur arrivée (500 enfants et personnes âgées ne sont jamais entrés au ghetto). Cinq jours après son arrivée, environ 300 Juifs sont "mis au travail", les autres disparaissent. Durant plusieurs mois elle travaillera à la désinfection de vêtements qui sont ceux des Juifs tués au 9ème Fort. Déportée ensuite à Stutthof, elle y reste neuf mois puis, le six août 44 335 personnes sont embarquées dans un bateau sur la Baltique. 190 survivront.
Shmuel HOROWITZ, tailleur, vivait à Kolomea (Kołomyja) en Galicie (aujourd'hui en Ukraine). Les Allemands arrivent à Kolomea en 41, et lui ordonneront de travailler comme tailleur pour la Gestapo (jusqu'à la fin de 43). Le jour de leur arrivée, les Allemands brûlent la synagogue. Le lendemain, ils emmènent 2.000 Juifs à Szeparowce, une forêt proche, où ils sont tués. Il témoigne de l'extrême surpopulation du ghetto, et d'une séparation, là encore, en plusieurs parties. A Kolomea il y avait environ 22.000 Juifs. Avec ceux qui ont été déportés des alentours, le ghetto s'est monté à 60.000 personnes. À l'évacuation du ghetto, restaient 30 personnes. Il est le seul survivant.
Rivka YOSELEWSKA est née à Powost Zagorodski, s’est mariée en 34. Quand les Allemands arrivent en 41, ils commencent par transformer la synagogue en écurie. Des non-Juifs des villages voisins viennent leur dire de s'enfuir parce que les Allemands tuent tous les Juifs, ce qu’ils n'arrivent pas à croire dans un premier temps. Un jour, un camion emmènera tous les Juifs vers des fosses. Ils devront se déshabiller puis seront abattus par rangs de quatre. Elle ne mourra pas de la balle qui lui est tirée dans la tête. Elle témoigne que, dans ces fosses, beaucoup mouraient en réalité d'étouffement... Elle parviendra à en sortir ainsi que trois autres femmes et quelques enfants. Un paysan passant par là la prendra en charge. Plus tard, elle rejoindra un groupe de Juifs dans la forêt et restera avec eux jusqu'à l'arrivée des Soviétiques.
Documents
Pièce T/308 : le SS Wezel informe le Reichkomissar qu'il s'est arrangé avec Brack pour l'appareil (camion à gaz) destiné à remplacer les tueries de Juifs par balles "comme à Vilna".
Pièce T/309 : documents de Nuremberg sur les camions à gaz de Chelmno.
Pièce T/312 : témoignage du SS Ohlendorf devant le Tribunal Militaire International : noms des commandants des Einsatzgruppen, description de l'organisation des gazages dans les camions.
Pièce T/325 : à propos des Juifs de Minsk : un Judenrat qui ne convient pas aux Allemands est exécuté et renouvelé.
Pièce T/337 : rapport du 14 janvier 42 sur les tueries de 41 qui évoque la révolte des Juifs de Zagare (et montre d'ailleurs comment toute révolte était vouée à l'échec)
Pièce T/343 : le SS Blobel sur les meurtres dans les camions : explique comment ça se passait.
Aharon Silberman témoigne de la situation de son beau-frère, argentin de nationalité, pris par la Gestapo, mis en prison. L'Ambassade argentine demandant des nouvelles de son ressortissant, Eichmann en personne répond qu'il est mort d'un arrêt du cœur le 12 avril malgré des soins intensifs. La date est mensongère puisque cet homme a été transféré à Auschwitz en juin mais permet de faire croire qu'il est mort avant même que l'ambassade ne demande des comptes.
Le tribunal évoque d'autres cas du même type.
[Page mise en ligne en juin 2009]