La connaissance des divers éléments de l’organisation du "meurtre de masse" (qui a décidé quoi ? et quand ?) reste en partie un sujet de recherches, néanmoins certains faits sont connus avec certitude. Cette organisation et ses méthodes ont évolué au fil du temps, elle a été imaginée puis décidée et mise en place par étapes. En voici les principaux éléments :
Le 30 janvier 1933, HITLER devient Chancelier. Son livre Mein Kampf est paru quelques années plus tôt. "Le Juif" y est clairement stigmatisé comme bouc émissaire, responsable de tous les maux qui accablent l'Allemagne et le monde et personnage indésirable de même que "le communiste". Hitler va se charger de diffuser largement ce livre à partir de son accession au pouvoir. Il en imposera ainsi la possession à quantité de catégories de personnes (lors d'un mariage, par exemple).
Le 30 mars de la même année c’est la création de Dachau, le 1er camp de concentration, près de Munich. Son existence n'a rien de secret. A l'inverse, il fait l'objet de reportages de propagande dans les journaux nazis. La présentation qui en est faite est destinée à exalter "l'aryanité" et les valeurs revendiquées par le nazisme d'une part, et stigmatiser les autres "catégories de populations" ("asociaux", opposants politiques, Juifs, ... ) d'autre part. Le commandant du camp, Theodor EICKE, y applique des méthodes d’une grande brutalité qui seront transposées dans les autres camps. Bon nombre de futurs commandants de camp y seront d'ailleurs formés, tel Rudolf HOESS qui mettra en place le camp d'Auschwitz.
Le 17 juin 1936 Heinrich HIMMLER devient le chef de la police allemande.
Le 30 janvier 1939 HITLER déclare au Reichstag qu’une guerre mondiale signifiera "l’anéantissement de la race juive en Europe".
En janvier 1940 ce sont les premiers essais de gazage. Ils concernent des malades mentaux dans les asiles d’Allemagne. C’était le "programme T4" des centres d’euthanasie (lieux où les victimes étaient amenées et assassinées). Du monoxyde de carbone en bouteilles était utilisé à cet effet. Les familles recevaient des avis de décès mentionnant diverses maladies comme cause de la mort. La population ne fut pas dupe longtemps et certains s'élevèrent vigoureusement contre cet eugénisme qui fit plusieurs dizaines de milliers de victimes.
A partir de juin 1941, l’invasion de l’Union Soviétique par l’Allemagne nazie s’accompagne de la mise en place des Einsatzgruppen (ce qui peut se traduire par "groupes d’intervention" ou "d'action"). Ils ont été appelés aussi "Sonderkommandos" mais n’ont donc absolument rien à voir avec ceux dont nous parlons ici. Il s’agissait de 3.000 hommes, répartis en quatre groupes. Ils étaient volontaires. Ils suivaient l’armée allemande dans sa progression à l’Est. Leur mission consistait à rafler et abattre les Juifs, Tziganes et Commissaires Soviétiques en Europe de l’Est et en Union Soviétique. Des rapports et des statistiques étaient régulièrement envoyés à Berlin. Ceux qui ont été retrouvés permettent d’évaluer que le nombre de personnes exécutées est compris entre 1 et 2 millions. C'est ce que l'on appelle désormais "Shoah par balles". Les troupes allemandes regroupaient leurs victimes (hommes, femmes, enfants, bébés) et les conduisaient en dehors de la ville, parfois à pieds si une forêt était proche, parfois dans des camions. Ils les faisaient dévêtir et les abattaient près d’un ravin ou de fosses creusées à cet effet (éventuellement par les futures victimes elles-mêmes), qui devenaient donc des fosses communes. Mais ces tueries par fusillades avaient lieu au vu et au su de la population locale, et les chefs SS considérèrent surtout qu'elles prenaient trop de temps et nuisaient au moral des troupes. Elles ont été arrêtées à la fin de 1942. Plus tard, les décideurs SS feront exhumer les corps de ces fosses communes pour les faire disparaître par crémation (brasiers à l'air libre). Cette opération, dite "1005" sera effectuée par des groupes de prisonniers juifs qui seront ensuite tous abattus, sauf rares exceptions d'évasions réussies.
Entre temps, les nazis avaient suivi une autre piste : celle de la modification de camions afin de les utiliser comme lieux de gazage (les gaz d'échappement étant renvoyés à l'intérieur du véhicule). Le premier test a eu lieu à Sachsenhausen en septembre 41 et les premiers camions à gaz ont été opérationnels à Chelmno dès décembre 1941 (1er gazage le 8 décembre). Ainsi furent tués nombre de Juifs du ghetto de Łódź et par là-même fut véritablement mis en marche un processus d’extermination des Juifs qui cherchait à être "industrialisé". Ce sera le cas dans des camps spécifiques (Belzec, Sobibor, Treblinka), cette opération avait pour nom "l’action Reinhardt" en hommage semble-t-il à Reinhardt HEYDRICH (voir ici une page le concernant et évoquant la "Nuit de cristal").
À la fin de l'année 1941, au camp d’Auschwitz (ouvert durant l’été 1940, au départ pour des prisonniers Polonais puis Soviétiques) les SS expérimentent le gazage au Zyklon B. Il se présente sous forme de cristaux qui, à la température de 26/27°C, dégagent de l’acide prussique. Ce produit était initialement prévu pour être un insecticide. À Majdanek le processus de mise à mort sera mixte (monoxyde de carbone en bouteilles et Zyklon). Dans les centres d'extermination, c'est le gaz en bouteilles d'abord (à Bełżec de mars à juin 42) puis le gaz d'échappement de moteurs (à Bełżec à partir de juillet 42, à Sobibór et à Treblinka) qui était utilisé.
En mars 1942, lorsque les trois chambres à gaz du camp d’extermination de Bełżec sont mises en service, elles servent à supprimer d'abord les populations Juives des ghettos de Lublin et sa région puis celles de Lwow. Comme à Sobibór et Treblinka, la surface du camp est très faible. Moins de 300 m de long sur 300 m de large pour Bełżec. Dans la seconde époque, à partir de juillet, Bełżec aura six chambres à gaz.
À Treblinka, près d’un million de personnes furent déportées (notamment du ghetto de Varsovie). Il y eut moins de cent survivants. C’est aussi au printemps 1942 qu’Auschwitz commence à prendre des proportions gigantesques avec Birkenau (ou Auschwitz II) construit à trois kilomètres d'Auschwitz I (Stammlager), cette fois sur une superficie considérable.
Parmi les camps d’extermination (plus souvent appelés désormais "centres de mise à mort") -Chelmno, Bełźec, Sobibór et Treblinka- et les camps dits "mixtes" -Auschwitz et Majdanek- (mixtes parce qu'à côté des meurtres de masse, un certain nombre de prisonniers y étaient gardés en vie pour travailler, en fonction des besoins de la SS), trois réussirent à se révolter. Ce fut le plus souvent à l’initiative des Sonderkommandos et, dans le cas d’Auschwitz, plus ou moins aidés et soutenus par des prisonniers du camp se cooptant dans d’informels groupes de résistance (il s’agissait le plus souvent de "triangles rouges" c'est-à-dire de prisonniers politiques), même si finalement la révolte a eu lieu isolément et dans l'urgence.
Révolte de Treblinka : 02 août 1943.
Révolte de Sobibór : 14 octobre 1943.
Révolte d’Auschwitz-Birkenau : 07 octobre 1944.
Pour compléter ces informations, vous trouverez sous cette rubrique :
- un tableau des principaux camps avec les chiffres communément admis concernant chacun (il est évidemment très difficile d’être précis puisque les corps ont été brûlés, comme ce fut le cas de la plupart des traces écrites, en 44 et 45)
- une présentation d’Auschwitz, sa mise en place et son fonctionnement en trois principaux camps
- et enfin une présentation spécifique des différents crématoires des camps d’Auschwitz I (Stammlager) et Auschwitz II (Birkenau) qui étaient donc les lieux où les Sonderkommandos étaient contraints à travailler.
[Première mise en ligne de cette page en 2006. Dernière mise à jour : avril 2012]